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Livres # Saint-Nazaire # Trignac

14/18 Les Nazairiens dans la Grande Guerre – La vie bouleversée

Après le succès de son exposition de 2016, Saint-Nazaire Histoire sort un ouvrage éponyme encore plus riche de documents d’époque et de témoignages qui mettent en lumière “ceux qui sont restés” et ont vécu cette période sombre à Saint-Nazaire.

10 000 : c’est le nombre de visiteurs qui s’étaient déplacés en trois semaines à la Galerie des Franciscains de Saint-Nazaire en novembre 2016. L’exposition, fruit de deux années de recherches menées par sept associations de la ville avaient ensuite tournée dans deux Maisons de quartier, au Croisic et à la Maison du Pays de Retz, provoquant toujours le même intérêt. « On ne pouvait pas s’arrêter là, explique le collectif, d’autant que nous avons très vite reçu de nouvelles contributions de la part des habitants, telles les lettres de Nazaire Couronné qui racontait son quotidien du front à sa femme, trouvées par sa petite-fille, des photos, une plaque de soldat. Nous voulions matérialiser cet ensemble. Nous avons donc créé Saint-Nazaire Histoire, une association qui réunit six de nos associations pour mener à bien et éditer ce livre écrit collectivement. »

Résultat : un ouvrage de 350 pages encore plus étoffé que l’exposition, toujours porteur de la même émotion.

///// Saint-Nazaire : front de l’arrière /////

Comme tous les pays belligérants, Saint-Nazaire a payé son lourd tribut humain à la Première Guerre mondiale avec 8 000 hommes mobilisés, dont 1 224 ne reviendront pas, sur 38 000 habitants (soit 20 000 ménages). Chiffres terribles qui ne doivent pas laisser dans l’ombre les blessés, ces “gueules cassées”, handicapés sans bras, sans jambes, aux poumons mités par le gaz, ou passés de l’autre côté de la raison. Mais ce que la grande histoire dit moins, c’est que sa population civile a aussi payé le prix fort de sa position géographique et industrielle qui en a fait une base arrière mobilisée pour les besoins de la guerre, transformant la cité en ville de garnison anglaise jusqu’en 1915, puis américaine, en ville hôpital et d’effort de guerre, en terre d’accueil aussi.

Si l’arrivée des Américains fut d’abord une joie et un grand émerveillement pour les Nazairiens, leur nombre – jusqu’à 40 000 en même temps – et les conséquences de leur présence les ont vite fait déchanter : surpopulation, rues défoncées par les convois, flambée des prix liée à leur pouvoir d’achat plus élevé venant s’ajouter aux difficultés des restrictions, abus d’alcool, violences, quartiers réservés à la prostitution… On ne voit bientôt plus que leurs défauts. La ville accueille de plus en permanence 3 000 réfugiés venus de Belgique et des départements du Nord.

///// Reconversion industrielle /////

Paradoxalement, Saint-Nazaire a vécu des luttes syndicales fortes durant cette période. Les industries doivent répondre à l’effort de guerre : les chantiers et les forges de Trignac deviennent donc producteurs d’obus avec une main-d’œuvre majoritairement féminine qui souffre du départ des hommes, de prisonniers de guerre, et de travailleurs étrangers grecs, maghrébins et chinois. Les industries doivent être des plus performantes, ce qui donne un pouvoir à leurs salariés, l’Etat allant même jusqu’à les soutenir contre les industriels : il faut produire encore et encore. C’est dans ce bras de fer que fut signée en 1916 la première convention collective de la construction navale…

///// Un après-guerre amer /////

La guerre ne s’est pas terminée le 11 novembre 1918. Le retour des soldats s’est fait progressivement, l’arrivée du dernier contingent datant de juillet 1919. Les corps des Nazairiens morts au combat, de maladie, d’accidents ou pour l’exemple sont éparpillés dans de multiples lieux de sépulture, quand sépulture il y a. La ville entière doit faire face au deuil, et le sort des veuves et des orphelins des 25 % de morts est terriblement difficile. Le marasme économique et la misère règnent, les désillusions sont immenses. Non, Saint-Nazaire ne deviendra pas, comme on l’espérait, la plaque tournante du commerce avec les Etats-Unis.

14/18 Les Nazairiens dans la Grande Guerre ne se veut pas une étude universitaire, mais un angle de vue argumenté sur le quotidien des Nazairiens dans la tourmente, et sur leurs capacités de positiver dans les pires situations. Le travail de fourmis de ses auteurs sort de l’ombre de cette “Grande Guerre” les petites gens qui ont su rapporter de nouvelles connaissances de leurs rencontres sur le front avec des soldats d’autres régions, concernant l’agriculture par exemple, alimenter la solidarité par la création de nombreuses associations, telles que la Goutte de lait ou le Sou du soldat, l’implantation de jardins partagés, de coopératives de consommation montées par le mouvement ouvrier…

Un livre de passionnés… passionnant.