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Livres # Saint-Nazaire

Au-delà des rapides

Après sa nouvelle “Le chapeau” parue en septembre 2019, le Nazairien Jean-Claude Samoyeau, professeur à l'IUT de Saint-Nazaire, sort un premier roman agréablement déconcertant.

Guillaume se laisse flotter sur les courants de la vie. Lui qui a toujours fui les emplois fixes, les engagements, les attachements, se conforte dans une tour d’orgueil en regardant de haut les autres se débattre dans leurs émotions. Et quand il se fait bel et bien mettre à la porte par sa compagne, sans en être affecté outre mesure, et qu’il entend à la télévision le nom de son bourg natal, Crécy-sur-Maine, où un mystérieux Turque s’est fait assassiné, il se dit “tiens, pourquoi pas, allons voir”.

Mais Guillaume est vite obligé de constater qu’il ne retrouve plus grand-chose de cette petite ville qu’il croyait assez sienne pour la mépriser. Elle a grossi, les bars ont changé de propriétaires et de clients, et, surtout, ses anciens amis ont continué leurs existences, souvent pour le pire. Seul l’omnipotent vieux maire impose toujours sa corruption. Sans ce point d’arrimage du passé, Guillaume est perdu, ses certitudes s’effondrent comme château de cartes. Dans un dernier sursaut d’évitement, il s’invente journaliste pour tenter de mener l’enquête criminelle qui stagne. Mais ne risque-t-il pas de s’engouffrer dans une difficile – et salvatrice ? – quête de lui-même ?        

L’auteur nazairien Jean-Claude Samoyeau fait ici le choix osé de juxtaposer deux formes littéraires dans un seul roman. En effet, après une première partie où Guillaume se meut comme un étranger à lui-même, sorte de Meursault sans la sensualité d’Albert Camus, Au-delà des rapides se transforme en polar. Mais un polar volontairement mal fichu, comme si Guillaume n’était pas moins velléitaire en apprenti enquêteur qu’en homme hors jeu. Cette écriture peut perturber, jusqu’à décevoir, mais là est justement la force de ce texte qui assume jusqu’au bout l’itinéraire fluctuant d’un anti-héros, si humainement banal.