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Mémoires industrielles, hors-série de la revue 303

Que reste-t-il du monde industriel dans notre pays, dans notre région ? Avec la progressive disparition – ou délocalisation – des usines de production, que faire de ces bâtisses laissées en friche, de ces empreintes qui persistent à survivre dans nos paysages, les sols et les hommes ?

Vestiges de fonderies, de mines de fer ou d’ardoise, d’usines électriques, de moulins à papier, d’industries textiles, de biscuiteries, de chantiers navals, de fabrication de cycles, de tabac ou d’allumettes… les Pays de la Loire sont parsemés de ces témoins silencieux de pierre ou de béton. Pour interroger la place qui leur est donnée aujourd’hui, et le sens de cette place, la revue 303 a invité historiens, enseignants-chercheurs, architectes, urbanistes, paysagistes, journalistes, conservateurs du patrimoine, à retracer l’histoire industrielle de la région, ce qu’elle dit d’une période économique et sociale révolue, ce qu’elle soulève comme questions sur notre présent.

Entrée du personnel de l’usine de la biscuiterie Lefèvre-Utile. © CHT Nantes

Contrairement à des pays industrialisés comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, la France a été lente à se pencher sur le devenir de tous ces bâtiments et terrains désaffectés, considérés comme des souvenirs encombrants. Ce sont d’abord des associations, souvent constituées d’anciens ouvriers ou d’habitants, qui ont commencé à vouloir les sauver d’une disparition définitive, avant que les collectivités locales – communes, Départements, Régions – n’y prennent une participation active.

Un patrimoine à sauvegarder   

Pour ce qu’elles racontent des mutations économiques et sociétales, pour souvent la beauté de leurs constructions, pour ce qu’elles contiennent d’inhumain et d’humain, ces friches industrielles sont aujourd’hui considérées comme partie prenante du patrimoine. Certaines ont donné lieu à une nouvelle forme de muséologie, les écomusées, d’autres ont été réutilisées pour y abriter théâtres, cafés, ateliers d’artistes, logements d’exception, écoles ou musées d’art, soulignant l’attirance de l’art contemporain pour ces symboles de l’effet du temps sur les efforts des hommes. Et dans le même mouvement naissait une nouvelle forme de tourisme avec une appétence de la population pour des visites d’entreprises en activité, dont Airbus et les Chantiers navals de Saint-Nazaire sont un exemple.

Mais la question est posée : que contient cet héritage à préserver ? N’est-il que conservation fossile ou objet d’expérience utile à la vision d’un avenir écologique ?

Enfin, il est relevé que si outils de travail et savoir-faire sont parfois valorisés comme appartenant à ce patrimoine, force est de constater que les ouvriers qui faisaient fonctionner ces usines sont rarement représentés. Et encore moins les mouvements sociaux et les grands combats qui ont modifié le cours de l’Histoire, cependant portés par des cinéastes, des photographes et des écrivains comme Jean-Claude Pinson, Jean-Rolin  ou le Nazairien Jean-Pierre Suaudeau.             .

Sans oublier, au présent, Joseph Ponthus, récemment disparu trop jeune : « J’écris comme je travaille / A la chaîne / A la ligne ».

MémoireS industrielleS, qui met en évidence l’importance du S pluriel, fourmille d’informations, d’illustrations, et constitue une belle base de réflexion sur la notion de “devoir de mémoire”… ou de “droit à la mémoire”.