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Portraits # Saint-Nazaire

Didier Carluccio, photographe du temps

«La vieillesse n’est pas laide, elle existe, elle est en nous parce que nous sommes vivants. » Les portraits de Didier Carluccio semblent nous dire avec tendresse : prenez le temps de regarder ces personnes, prenez le temps de vous regarder.

C’est un jour d’anniversaire, un de ces jours inexorablement métronomiques qui marquent le tempo de notre temps qui passe, que l’obsession sereine de Didier Carluccio a pris corps. Arrivé enfant à Saint-Nazaire avec sa famille originaire du Nord, il se tourne très jeune vers la photographie. Il a 30 ans lorsqu’on lui demande de venir faire des photos d’un anniversaire à la maison de retraite du Jardin des Plantes. « J’ai été frappé par l’image de ces gens liés par une seule caractéristique : leur âge. » Le soir venu, en travaillant sur son agrandisseur, il tombe en arrêt, en amour, devant un visage, une unicité, « comme une porte entrouverte sur un autre monde ».

Didier Carluccio a aujourd’hui 51 ans. Voilà vingt ans qu’il photographie des personnes âgées vivant en institution. Très âgées même, certaines ayant dépassé leur 100e anniversaire.Vingt ans qu’il côtoie « les anciens, les vieux, les mamies, les grands-pères, les quatrième âge », ces êtres humains relégués à la marge d’une société qui ne veut pas voir son futur. « Je cherche et je trouve la beauté de l’âge, la personne derrière les stigmates des années. Tout est une question d’angle, la féminité est toujours présente chez une vieille dame… J’accroche les éclats d’un regard, le rayonnement d’une émotion, un bouillonnement, le conte d’une vie. Je remercie toutes ces personnes qui m’offrent une matière aussi large que l’humanité. »

« On m’a vu ce que vous êtes Vous serez ce que je suis » (Pierre Corneille)

Depuis l’arrivée du numérique, Didier Carluccio profite de ses nuits pour « redevenir enfant ». Il retravaille ses clichés en y intégrant son imaginaire, sa perception de la relation qu’il a eue avec son sujet. Il joue avec le graphisme, les décors, la lumière, pour transformer les scènes de la vie quotidienne en tableaux dont l’expression de la solitude rejoint celle du peintre américain Edward Hopper.

Didier Carluccio tient à ce que ses photos soient toujours exposées sur les lieux où elles ont été réalisées : « Elles changent le regard du personnel et des proches, et je suis profondément heureux quand les photographiés prennent conscience qu’ils ont osé se mettre en avant, eux que l’on voudrait effacer de notre paysage. » Il vient d’ailleurs de clôturer une exposition à l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-sur-Seine, rattaché à la Pitié-Salpêtrière. Ses projets ? Continuer… et écrire un livre photographique qui portera le nom des vers si célèbres de Pierre Corneille chantés par Georges Brassens.