[zoom] Sonate pour Roos
(Pays-Bas, Norvège 2018) drame de Boudewijn Koole avec Rifka Lodeizen, Elsie de Brauw, Marcus Hanssen. Durée : 1h32.
Des étendues infinies de neige, des forêts gelées, une voiture qui roule sans croiser âme qui vive : Roos (interprétée par la très juste Rifka Lodeizen) traverse le nord de la Norvège pour retrouver sa famille qu’elle n’a pas vue depuis plus d’un an. Elle est accueillie par les effusions bruyantes des chiens de traîneau et de son jeune frère Bengt. Malgré les aboiements, les cris et les rires, sa mère Louise ne sort pas de la maison. Si elle est déçue, Roos n’est pas surprise. Elle est venue sans trop d’espoir quémander une nouvelle fois les gestes et les mots qui lui parleraient d’amour. Une nouvelle et, elle le sait, une dernière fois car elle vient aujourd’hui annoncer qu’elle va mourir.
Cernés par la beauté blanche, Louise et Bengt s’aiment comme ils peuvent, une à son piano et l’autre à son micro enregistreur des sons secrets de la nature : entre les notes de Schubert et celles des stalactites, leurs musiques habillent leurs solitudes. Roos, photographe, n’est de son côté qu’un regard qui épie le visage de sa mère, en attente. Autour d’eux, l’eau gèle, les élans blessés s’éloignent pour mourir, le ciel n’est qu’immensité, la lumière pureté, et derrière la colline enneigée il n’y a rien qu’une autre colline enneigée.
Même si la référence aux affrontements entre la mère prodige et la fille humiliée de Sonate d’automne d’Ingmar Bergman plane sur cette Sonate pour Roos, Boudewijn Koole préfère nous jouer ici une sonate d’hiver, où chaque émotion, de façon aussi ténue puisse-t-elle s’exprimer, se découpe sur la page immaculée du paysage pour tenter d’écrire une nouvelle partition, s’il n’était pas trop tard. Bengt a beau mixer les battements de son cœur avec ceux de sa mère et de sa sœur pour en faire un rythme commun, Louise a beau caresser maladroitement de sa main gantée la joue froide de sa fille, la famille réunie a beau hurler avec les chiens à défaut de pouvoir changer le cours de la vie et de la mort, le temps fichu ne se rattrape pas.
Pas de déferlante dans Sonate pour Roos, mais une grande pudeur : c’est par leur petite sonate triste, trop courte, que Roos, sa mère et son frère nous atteignent. Si mi la ré sol do fa : un petit tour du bout des doigts, et puis s’en va, sans bruit.
Avis à chaud d’un spectateur
« C’est un film très émouvant, j’aime cette simplicité, cette beauté des paysages et des visages. Je crois qu’ils vont me rester longtemps dans la tête, comme si je les connaissais. » (Elodie, 32 ans).