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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Women Talking

(Etats-Unis 2023) drame de Sarah Polley avec Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley.
1h44.
Avertissement.

Note de la rédaction :

Women talking, « le fruit d’une imagination féminine, l’œuvre du démon ». C’est en ces mots que la réalisatrice canadienne Sarah Polley pose, avec force ironie, les bases de ce récit post-#MeToo qui n’a pu, n’en déplaise à certains, s’ériger sur une simple construction de l’esprit !  

Tirée du roman éponyme de Miriam Toews, cette tragédie moderne qui vient de décrocher l’Oscar de la meilleure adaptation a de facto trouvé sa source originelle dans la plus sordide des réalités.  

Sarah Polley raconte, avec cette brutalité doucereuse qui nous scie les jambes, l’histoire d’une poignée de femmes déterminées à prendre leur destin en main. Huit femmes, toutes générations confondues, de la grand-mère à la fillette… Toutes violées, abusées, droguées par les hommes de leur communauté, une colonie mennonite vivant dans les plus pures traditions du XVIe siècle. En autarcie totale, sans contact aucun avec le monde extérieur, la calèche pour se rendre à la messe, la lampe à huile pour seul éclairage ! 

Or, les faits se déroulent en 2010, l’école toujours interdite aux filles, comme pour mieux les dominer, les contrôler, les soumettre, les souiller corps et âme, jusqu’à en altérer leur foi. Jusque-là inébranlable, malgré les violences répétées. Jusqu’à ce soir-là, le viol de trop, où tout bascule. Les femmes profitent alors de l’absence des hommes, partis payer la caution des tortionnaires pris sur le vif, pour se réunir dans une grange.  

Et parler, encore et encore, crier, pleurer, penser, poser des mots sur leur état d’esclave, si ce n’est d’animal, sur leur colère, leur croyance, leur existence, leur avenir… Que faire ? Pardonner et rester ? Rester et se battre ? Partir ? Elles n’ont que 24h. Vingt-quatre heures pour changer le cours de leur vie. Vingt-quatre heures, plongées dans un quasi-huis clos épuré, cadencé par d’intenses, poignantes et âpres logorrhées… L’ensemble de ce chef-d’œuvre – car il n’y a pas d’autres termes pour décrire ce film d’une rare profondeur – se voit “bercé“ par des plans-séquences d’une cruelle pudeur qui en disent long, très long. Et qui se suffisent à eux-mêmes pour saisir toute la perfidie et l’horreur qui se cachent dessous ; l’esthétique visuelle se frayant un chemin entre récit tragique et fable contemporaine, bien ancrée dans la réalité… Alors, Women talking, le fruit de l’imagination féminine ? Vraiment ?!