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Portraits # Saint-Nazaire

Olivier de Sagazan c’est tout… Ça

Les 10 et 11 mars, le performeur sculpteur nazairien d’envergure internationale sera sur la scène du Théâtre pour une invitation scientifique et artistique à explorer la question du vivant.

T comme… Transfiguration 

« J’ai fait des études de biologie car je voulais, et veux toujours, comprendre le vivant, la machine que j’habite. Comprendre qui parle. Comment et quand Ça (le Ça freudien) parle ? Avec Transfiguration, née en 1998 d’une expérience filmée dans mon atelier du Petit Maroc, j’ai voulu ressentir Ça, la vie à l’intérieur, cette présence, celle qui nous habite. J’ai alors transfiguré, c’est-à-dire recouvert mon visage d’argile… Et là, j’ai découvert quelque chose d’hallucinant : je venais d’inventer le concept de masque mouvant. Le visage devient mufle de sanglier ou tout autre chose. C’est extraordinaire, tu peux faire une série de tableaux à la Francis Bacon en une rapidité incroyable ! 

« Transfiguration tourne deux à trois fois par mois dans le monde. Au total : 25 pays, 357 représentations. Et seulement trois en France !
Je suis invité à la Biennale de Venise, l’une des plus prestigieuses manifestations artistiques du monde et je reste quasi inconnu dans mon pays !  »
 

A comme… argile 

Je donne des workshops partout dans le monde. J’initie des danseurs, des acteurs à entrer dans l’argile. Chaque transfiguration est une psychanalyse extraordinaire. Chacun entre avec ses démons et ses anges, et commence à faire apparaître des tas de choses incroyables, les masques se faisant alors l’expression de son soi intérieur. Et comme ces artistes ne se voient pas, travaillent en aveugle, il s’autorisent tout.  

I comme… Il est arrivé quelque chose 

Avec cette performance, dont la première aura lieu à Saint-Nazaire ce 10 mars, je recherche cette autorisation. En m’amusant, cette fois, à un autre jeu : celui de la défiguration du langage. Coincé dans un tube, avec des senseurs cardiaques, je laisse venir des mots au hasard. Au début, c’est laborieux. Puis, ils sont de plus en plus nombreux. Ces mots se transforment en phrases. Et là… des tas de choses apparaissent, se disent, aléatoires, comme dans un rêve. Possédé, tu clames, tu t’essouffles, tu cours, tu entres en transe… Une folie du langage qui peut produire chez le spectateur une surprise, tel un réveil de la pensée.  

V comme… vivant 

Beaucoup de personnes voient, en la défiguration, un travail mortifère, morbide. Certes, elle n’est pas à prendre au premier degré, mais il faut la voir comme un amour à la vie et une envie de faire parler le vivant. Et pour y parvenir, effectivement, il faut la mettre dans des états extrêmes.  Ce n’est, encore une fois, qu’une quête de compréhension de qu’est-ce que le vivant ? Mine de rien, depuis trois milliards d’années, depuis les premières bactéries à l’être humain, Ça parle. Mais qu’est-ce que Ça veut dire ? Et moi, c’est Ça que je veux faire parler.  

Nos cœurs en terre. 

 

N comme… Nos cœurs en terre 

Cette autre création, jouée au Théâtre le 11 mars, s’inscrit dans la continuité de Ça. Elle rend compte de l’association qu’il y a entre l’organique et le minéral, depuis ces trois milliards d’années. On a tendance à dire qu’il y a d’un côté les choses inertes (rocher, caillou, vent, soleil…) et de l’autre, les choses vivantes. Faux. Le vivant est né de cette matière inerte et ne cesse d’échanger en permanence avec elle. Plus de 40% des roches sont constituées du vivant. Pour en parler, on est partis d’une histoire (vraie). De celle du médecin de Louis XIV qui pense que la matière est vivante. Que les roches se reproduisent entre elles. Qu’elles ont un sexe. Qu’elles nous parlent. Rien de démentiel pour l’époque. Jusqu’au XVIIe siècle, la société avait une vision très organique du monde. Francis Bacon, le philosophe, est le premier à avoir inventé ce concept de matière inerte. Aucun remords à « l’exploiter et la violer à loisir », disait-il. Lui, l’un des initiateurs de la société capitaliste dans laquelle on vit, celle qui ne se cesse d’excaver, dans une indifférence totale, toute l’énergie du sol. Maintenant, on commence à comprendre que détruire les montagnes, détourner les rivières ne sont pas sans effets !  

R… comme Rembrandt 

La cause ? : Oui, et le pire c’est que c’est vrai ! Il m’a fait arrêter la biologie ! Juste avant de partir au Cameroun pour y faire ma coopération, je suis allé à Amsterdam où je suis tombé sur les autoportraits de Rembrandt, mon pilier. Et là, je me dis, c’est incroyable ce type parle, lui aussi, du vivant, et dépeint avec force poésie cette fusion entre l’intelligible et le sensible qui me fascine tant. 

En parallèle, une amie menait des recherches sur la régulation du nitrate chez le chou-fleur. Des années à questionner les mécaniques internes d’une infime précision qu’on en perd tout lien avec la réalité. Je comprends que ce soit nécessaire, mais on en oublie totalement la question du vivant ! C’est là que je me suis dit : va plutôt du côté de l’art ! 

F… comme famille 

J’ai déjà travaillé avec ma fille Leïla, [alias Leïla Ka, chorégraphe, 21 mars au Théâtre] pour La messe de l’âne. Avec sa sœur Zaho [de son nom de scène Zaho de Sagazan, chanteuse, Quai des arts en mai, Les Escales en juillet], jamais. Mais oui, ce serait une très belle idée qu’un jour on fasse quelque chose tous les trois. Et pourquoi pas avec toute la famille ! Ce serait drôle. Mais pour le moment, chacun construit son histoire. On en reparle dans quelques [trois milliards ! d’] années… »  C’est comme Ça !