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Sport # Saint-Nazaire

À la pointe de l’épée, la flamme olympique ?

La jeune Nazairienne, escrimeuse et malentendante fera-t-elle partie des 10 000 relayeurs à porter la flamme olympique pour les JO de Paris 2024 ?
En attendant le verdict courant décembre, rencontre avec Aimie Jégou, guerrière sur la piste comme à la ville…

Aimie rêve… dans sa chambre où son univers s’affiche sur les murs.

Aucune épée de Damoclès au-dessus de la tête d’Aimie ! Si ce n’est celle qui trône, de fer et altière, dans sa chambre au milieu des albums de Picsou, des peluches, caisses claires et autres innombrables coupes disposées sur l’étagère, et médailles suspendues en contre-haut de son bureau. De celle-ci, la jeune épéiste n’a rien à craindre, a contrario de ses adversaires ! Et c’est dire. À 17 ans, celle qui aiguise la lame depuis six années seulement au sein de la Société d’escrime de Saint-Nazaire, rafle quasi tout sur son passage ! Et ne cesse de cumuler les podiums : trois fois championne départementale, troisième aux régionales, deux participations au championnat de France en 2021 et 2023. Et peut-être un jour championne de France ? Car sachez qu’Aimie ne lâche rien. Et des défis, elle en fait son affaire…   

Son handicap, sa force 

Toujours sur ses gardes, la pointe menaçante, le bras long, Aimie ne laisse aucun répit. Elle attaque – son point fort – « avec toujours ce quart de seconde d’avance sur les autres. Je sens le moment où je dois y aller, et c’est souvent lorsque personne ne s’y attend, sur des instants improbables ! » Parce qu’Aimie, guerrière sur la piste comme à la ville, a développé des réflexes qui lui sont propres, du fait « peut-être, sûrement » de son handicap. « Aimie a été diagnostiquée sourde profonde à l’âge de 2 ans et demi, confie son papa, Didier, touché en plein cœur. On nous a esquissé un tableau apocalyptique, nous affirmant que notre fille vivrait seule, sans amis, enfermée dans sa bulle et sans la possibilité aucune d’établir le moindre contact entre nous. » Un diagnostic qui tombe vite à l’eau. 

« J’étais une enfant enjouée, et je le suis toujours, d’ailleurs, sourit-elle. J’aime rire, faire des blagues, lire, sortir avec mes amis, et je vous assure, j’en ai plein ! »  

« J’adore AC/DC, les Red Hot, le folk, la pop, l’électro et depuis quelques mois, je joue de la batterie électronique ; j’apprends sur des tutos, en attendant de trouver un professeur. » 

Aimie rêve de devenir dessinatrice industrielle dans le bois ou… ébéniste « mais les débouchés sont moindres », souligne, la tête sur les épaules, cette jeune élève de 1ère, en bac pro menuiserie au lycée André-Bouloche. « Petite déjà, j’aimais fabriquer des objets en bois, souvent des pistolets pour jouer avec les copains au Parc paysager ! »  

 

Un combat de vie à fleurets mouchetés 

Avant d’en arriver là, Aimie a dû sortir les “armes”, et se battre au quotidien, à fleurets mouchetés, contre les moqueries quand « on ne me prenait pas pour une étrangère avec mon accent un peu particulier ! » Et contre elle-même, aussi. À 4 ans, « Aimie subit une lourde opération. On lui place un implant cochléaire, un appareil ultra-miniaturisé qui permet d’améliorer la perception des sons de la parole et des bruits de l’environnement », explique Didier. Trois ans plus tard, à force de volonté, de détermination, de ténacité et d’opiniâtreté (et elle n’en manque pas !), Aimie parlait. Puis, le primaire, direction l’école Jean-Jaurès et la classe d’intégration destinée aux élèves sourds et malentendants, et le collège Grand Air de La Baule, où elle alterne classes Ulis et standard pour sortir auréolée de la mention Très bien au brevet. « Preuve, malgré mon handicap, que je suis capable de tout. N’en déplaise à ceux qui pensent le contraire », lance tout de go celle qui ne s’est jamais laissé marcher sur les pieds, et encore moins abattre. Celle qui, avec force et vigueur, a su prendre sa revanche sur un destin qu’on lui traçait autrement.  

« Sur la piste, Aimie attaque pour gagner. Une agressivité qui s’arrête dès qu’elle enlève son masque ! » Didier Jégou, son papa.  

L’une des 10 000 relayeurs ? 

Les partenaires des JO, ceux des territoires, les acteurs du mouvement sportif, les acteurs publics, les membres du Club Paris 2024… Et le grand public. 

 

Pour combler le tout, Aimie devrait savoir, courant décembre, si elle fera partie des 10 000  relayeurs – avec le comédien Jamel Debbouze et l’astronaute Thomas Pesquet – à porter la flamme olympique, laquelle traversera 64 départements et 400 villes de mai à juillet*. Avec une étape, le 5 juin, à La Baule.  

Pour le moment, Aimie compte parmi les 5 000 présélectionnés par le Comité organisateur** sur les 100 000 de départ. Seule « une poignée sera retenue dans les Pays de la Loire » ! Croisons les doigts, car ne serait-ce pas là une manière de rendre à Aimie ce qui est appartient à Aimie ? On la voit déjà en haut de…, du pont de Saint-Nazaire brandir non pas son épée mais la flamme olympique. Son rêve ? « Oui, mais aussi celui de papa ! », dit-elle en le taquinant.  

* 8 mai, arrivée officielle de la flamme en France, à Marseille, à bord du Belem, construit à Nantes ! Elle sera allumée à Olympie en Grèce le 16 avril 2024 pour un relai de 12 jours. 26 juillet, arrivée à Paris. 

** Un tiers des relayeurs sélectionnés par le Comité organisateur, un autre par les parrains du relais, le dernier par les autres partenaires des JO. Et les 10 % restants par les territoires accueillant la flamme.