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Cinéma # La Toile de Mer # Salle Jacques-Tati

[zoom] Killers of the flower moon

(États-Unis 2023) thriller de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro.
3h26.
Avertissement.

Note de la rédaction :

Par son ampleur et son propos, Killers of the flower moon est un film à la fois captivant et sidérant. Comme dans Gang of New York, Scorsese y met de nouveau le passé sombre de son pays en lumière. Dans cette fresque épique aux multiples ramifications, il dénonce les fondements historiques des États-Unis : le système colonial, le capitalisme, la mafia. À mi-chemin d’ailleurs entre western et mafia, son film entreprend de raconter une tragédie : l’élimination de la tribu Osage. Une histoire tue et taboue que le journaliste David Grann a exhumée en 2018, soit 100 ans plus tard, dans une enquête magistrale : La Note américaine, ouvrage à l’origine du film.  

Chassé du Kansas à la fin du XIX siècle au profit des colons blancs, ce peuple amérindien fut relégué dans un coin aride de l’Oklahoma. Pourtant de cette terre stérile jaillirent des geysers d’or noir qui les rendirent richissimes. Cette image d’Indiens devenus nababs, se parant d’or, de diamants, de fourrures, circulant à bord de voitures luxueuses et employant des domestiques blancs, surprend. Loin des clichés longtemps véhiculés, elle inverse les codes. Mais cet argent a un prix. La richesse des Osage suscitant les convoitises et ravivant les tensions raciales jamais éteintes, la communauté est frappée par des meurtres et décès suspects. Alcool, maladies, dépressions…, d’autres poisons, bien plus lents, et distillés par les blancs font aussi leur effet dans la communauté, comme dans la famille de Mollie, victime de deux sales visages pâles, William Hale et Ernest Burkhart. Avec son sourire de Madone, son visage à la fois lumineux et sacrificiel, Mollie (magnifique Lily Gladstone) est la conscience du film, celle des Indiens. Elle en est le cœur, l’âme et l’incarnation. Comme une métaphore du destin réservé à son peuple : son éradication à petit feu. À côté de cette actrice amérindienne magnétique, DiCaprio (Ernest Burkhart) est bien mal dégrossi. Scorsese filme un abruti à travers son personnage qui partage la même moue à la Brando que De Niro (William Hale), excellent en exécrable parrain local, démoniaque, machiavélique et oncle faussement bonhomme. 

Reste que la manière dont Scorsese filme la culture indienne est très belle, très simple, avec une forme de sagesse et de tristesse poignante. Killers of the flower moon est une reconnaissance de ce que cette nation Osage a subi. Le peuple indien n’est ici dans aucun des rôles qu’on lui assigne habituellement. Il n’y apparaît pas non plus comme un personnage secondaire de sa propre destinée, encore si douloureuse aujourd’hui. Vibrant hommage aux Osage, ce film, nécessaire, fait œuvre de devoir de mémoire.