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Chroniques # Saint-Nazaire

Michel Rival par mots et “parl’être”

Les mots, Michel Rival en fait son affaire. À 79 ans, l’actif retraité agrégé de Lettres classiques vient de sortir un 6e ouvrage didactique, « créatif et récréatif » où l’on joue avec les mots et les lettres, telle une parenthèse amoureuse !
Entre manipulation alphabétique, déformation sémantique et pérégrination au cœur de l’histoire de la langue française… Un pur plaisir, accessible à tous.

Agrégé à 40 ans de Lettre classiques, Michel Rival est « le seul de [sa] famille à avoir été sur les bancs de la fac, et même du lycée ! » Une belle leçon… de vie.

Plus que le goût des mots, « l’amour des mots », Michel Rival l’a saisi très tôt. En 6e déjà, son premier dictionnaire en main, il n’avait qu’une idée en tête : l’apprendre par cœur, avouant, sans déshonneur, s’être « arrêté à la fin de la lettre A ! » À cette époque, le jeune Breton, né pas très loin de Rochefort-en-Terre de parents paysans, dévorait tout ce qui lui tombait sous la main… « J’avais cette envie d’apprendre les mots, comme on a celle, enfant, de vouloir savoir comment on fait les bébés ! Une curiosité de même nature », explique celui que l’on pourrait surnommer, sans trop se risquer, le Alain Rey de Saint-Nazaire pour lequel d’ailleurs, il voue une admiration sans faille : « C’est mon saint patron ! » Les amoureux des bons mots, des mots justes ne pourront qu’acquiescer l’analogie.  

L’artisan des mots 

Avec ce 6e ouvrage, la langue française devient un véritable terrain de jeux où « l’on joue à ajouter, supprimer, permuter les 26 lettres de l’alphabet pour créer des mots, en faire naître de nouveaux. C’est drôle et merveilleux à la fois », raconte, enthousiaste, cet « artisan des mots », tel qu’il se définit… Avant de poser cette question : « Savez-vous combien de mots peut-on trouver dans l’anagramme Rival ? Eh bien, 26 ! » À vous de jouer, alors !  

Des Gaulois à Villers-Cotterêts 

Une première partie, Jeux de lettres, qui séduira les plus jeunes, collégiens et lycéens. Une seconde, Jeux de mots, qui s’adressera davantage à celles et ceux qui souhaiteraient « acquérir, enrichir leur culture personnelle en se plongeant, avec distraction, dans l’iceberg du lexique ». Pour saisir l’état actuel de la langue, de ses origines à ses transformations au fil des siècles, des Gaulois à Rabelais, de Villon à Villers-Cotterêts, en plein sous les projecteurs. Le 30 octobre dernier, jour de l’interview – drôle de coïncidence –, la nouvelle Cité internationale de la langue française est inaugurée. Un lieu symbolique, car c’est là, en 1539, que François 1er signe une ordonnance qui proclame le français comme la langue officielle du royaume, imposant notamment de rédiger les actes administratifs et juridiques en français. Le français, une langue 100 % française ? : « Pas tout à fait… 85 % de notre vocabulaire est issu du latin et 5 % des Francs, qui usaient d’une langue germanique ». Au 16e siècle, l’usage de la “langue du roy”, dénommée bientôt le “françois” se répand ; Du Bellay et les poètes de la Pléiade à la tête de « cette usine de fabrication » de mots nouveaux. La langue évolue… Hier, la réforme des accents circonflexes ; demain, la suppression du i d’oignon ? Trop muet, le pauvre ! L’étêter pour la simplifier ou, comme le préférerait Michel Rival, « la faire évoluer sans l’imposer » ?, telle est la question. 

Le « ver de terre amoureux d’une étoile » 

En attendant de trancher, le vulgarisateur linguistique, lui, continue d’aimer les mots, tous les mots, anciens ou modernes ; de les coucher sur le papier, de les disperser, les diffuser, les répandre autour de lui. De les transmettre à tous. Comme il a toujours fait, dans ses ouvrages ou sur les bancs des collèges et du lycée Aristide-Briand où il aimait faire accoucher, élever les esprits, tel un Socrate des temps modernes… Et enseigner Victor Hugo à ses élèves – qu’ils soient littéraires, scientifiques ou en classe technologique –, au travers les paroles d’un certain Ruy Blas, celui-là même qui « souffre, ver de terre amoureux d’une étoile ». Une citation qui, pour ce fils de paysans, prend tout son sens. « C’est la preuve que l’on peut venir d’en bas, regarder en haut », et y trouver sa place. La preuve, encore que Michel Rival n’est pas un « prof optimiste » pour rien !