[zoom] Le Molière imaginaire
(France 2024) biopic d'Olivier Py avec Laurent Lafitte, Stacy Martin, Bertrand de Roffignac.
1h34.

Le Py(re) est à venir ! Les trois coups frappés, le brigadier à l’arrêt, le rideau levé… Et la mort qui pointe le bout de son nez. Travelling… Dans une case, en haut, à droite, on s’y perd déjà, trois grâces décrépites à la voix éraillée, qui jacassent, jasent. Travelling… Dans la case d’à côté, à gauche, en bas, on ne sait plus trop, deux précieux ridicules fichtrement emperruqués qui devisent de leur laideur grimée avec ostentation… Puis un enchevêtrement de cases pour autant d’âmes casées dans leur rôle, cacophonie des genres aux accents lullyesques. À la freak show. Frénésie. Pas de répit pour la caméra. Dans les loges, au sous-sol, côté jardin ou côté cour, dans les coulisses ou sur scène. Toujours en mouvement. Avec cette impression que cette tragi-comédie a été tournée en un unique plan-séquence. On rit, on pleure, on crie, on tousse, on boit, on fume, on… Vertige. Comme assommé par ce maelström d’images disloquées, de tirades abstraites, de scènes parfois dérangeantes, et de masques de mascarade… Qu’apparence. Qui se joue de qui ? Qui est la farce de qui ? Qui joue la comédie, cette même comédie qui « corrige les mœurs par le rire », rappelle Molière dans la préface de Tartuffe. Alors, rions à gorge déployée ! Ou pas.
Olivier Py signe là une œuvre à double tranchant. Car à côté de cette grande caricature chaotique, de ce labyrinthe théâtral qui nous fait perdre pied, il ressort de ce biopic réarrangé quelque chose de puissant, de fascinant. Fascination pour ces décors à couper le souffle, pour ces costumes tout aussi majestueux… Une esthétique visuelle d’une extravagante élégance, avec, à son paroxysme, cet éclairage – en ces temps du tout-électrique – surréaliste ! Eh oui, Le Molière imaginaire a été entièrement tourné à la bougie. Une ambiance baroque et décalée à souhait.
Et des acteurs au jeu, faut-il l’avouer, impressionnant de puissance. À l’instar de Bertrand de Roffignac, dans la peau du splendide amant de Molière, et Laurent Lafitte en tête, bien sûr. Le pensionnaire de la Comédie-Française incarne ce Molière mourant avec force et passion, le souffle coupé. Son dernier souffle – il ne lui reste plus que deux heures à jouer – écorché. Trahi par Lully « il y a un Jean-Baptiste de trop ! », dira Poquelin, tombé dans la disgrâce du roi, refusant de renier son art, ce qui aurait pu le conduire à la fosse commune, le plus grand des acteurs-dramaturges français, disparu il y a 350 ans, s’éteint sous une pluie d’applaudissements, sur les planches du Palais-Royal, selon la légende, et le synopsis ! Pour finalement finir, seul, dans la nuit, « plus de sept pieds sous terre, car elle n’est plus sainte ! », au milieu d’un champ, et entre quatre planches !