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Associations # Saint-Nazaire

Semaines contre le racisme et les discriminations : faire tomber les masques

En ce mois de mars, les Semaines d’éducation contre le racisme et les discriminations font entendre cette année deux voix puissantes, celles de l’écrivain militant Frantz Fanon et de l’immense poétesse Samira Negrouche.

Sous la peau par Camel Zekri et Sharif Andoura.

« Assumé, inconscient, théorisé, en miroir, structurel, institutionnel, pour “plaisanter”, décomplexé, d’État…, les adjectifs qualifiant le racisme sont nombreux. Nous pouvons être, toutes et tous, victimes, témoins ou acteur.rices, parfois involontaires, du racisme », déclare le collectif nazairien contre le racisme et les discriminations. Et c’est justement parce qu’il « peut s’avancer à visage découvert ou masqué » que le collectif a choisi pour thème de réflexion 2024 : Masques et visages du racisme. « Ce choix s’appuie sur les remontées de terrain, venant notamment des établissements scolaires, et sur ce sentiment : celui de l’augmentation du racisme », note Françoise Mahé. La co-présidente du MRAP (Mouvement contre le racisme) souligne « l’important travail avec les classes et l’investissement des enseignants, préoccupés par les paroles et actes racistes de plus en plus prégnants. » L’implication cette année de 21 classes (13 en 2023) dans la manifestation traduit d’ailleurs bien cette préoccupation tristement croissante.  

Création autour de Fanon 

Textes à lire et à partager pour comprendre et dénoncer le racisme, tout un travail préparatoire est amorcé depuis le mois de janvier avec les scolaires et l’appui aussi de nombreux partenaires. Exposition, films, échanges complètent un programme culturel autour de l’œuvre de Frantz Fanon qui a également inspiré le nom de cette édition. 

Entre musique et théâtre, le spectacle Sous la peau, est d’ailleurs construit à partir d’extraits de textes de l’écrivain martiniquais : Peau noire, masques blancs, Pour la Révolution africaine et Les Damnés de la terre. Sous la peau, ce sont les mots de Frantz Fanon, des sons de percussions et de guitares électriques, une forme qui allie le texte et la musique, pour un musicien, Camel Zekri, et un comédien, Sharif Andoura.
« Ensemble, nous allons interroger la question du sensible qui touche la parole politique de l’homme engagé. Celle du psychiatre et militant révolutionnaire investi dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et dans le combat international contre le colonialisme », explique Camel Zekri.
 

« Il n’est pas possible d’asservir des hommes sans les inférioriser, le racisme n’est que l’explicitation émotionnelle, affective et parfois intellectuelle de cette intériorisation antérieure. » Frantz Fanon 

Chemins de dialogues inédits 

Le lien avec l’Algérie se prolonge avec l’exposition de Mustapha Boutadjine à la Maison de quartier d’Avalix, Femmes d’Alger. Des portraits de militantes et de figures engagées dans la libération de l’Algérie comme Germaine Tillon, Gisèle Halimi ou Simone de Beauvoir. 

Samira Negrouche, en résidence exceptionnelle à Athénor avec Floy Krouchi. 

 

Le fil d’une histoire commune entre la France et l’Algérie se tisse aussi avec l’immense Samira Negrouche. Traduite dans une trentaine de langues, la poétesse, essayiste et traductrice, a intégré l’Académie des jeux floraux, plus vieille académie de poésie au monde et plus vieille société savante d’Europe ! Deux cent trois ans après Victor Hugo et 54 ans après Léopold Sédar Senghor, elle a reçu ses lettres de maîtrise pour l’ensemble de son œuvre en mai 2023. Cette voix majeure de la poésie algérienne a fait le choix de travailler avec la bassiste et compositrice Floy Krouchi, ici, à Saint-Nazaire. À Athénor précisément. Après une résidence de création, elles vont y présenter leur projet, Tremblement, le 23 mars. Une création unique dans laquelle elles cherchent des chemins de dialogue entre musique, espace sonore et poésie, texte et voix tout en questionnant leur pratique. Parce que, contrairement au racisme, qui participe du repli sur soi et d’une peur de l’autre, la culture
permet aussi l’ouverture aux autres.
 

/// Pourquoi Frantz Fanon ? 

L’écrivain martiniquais est la figure emblématique de la critique des stéréotypes racistes. Plus de soixante ans après sa disparition, il continue d’alimenter les réflexions autour du colonialisme et de ses conséquences. Référence majeure des études postcoloniales, Frantz Fanon est aujourd’hui cité dans les textes des rappeurs. Engagé au côté du FLN en Algérie, il pose la question du racisme par le prisme de la colonisation et en appelle même à la violence dans Les Damnés de la Terre. Psychiatre et militant révolutionnaire, il innova dans sa pratique médicale en proposant de nouvelles méthodes, comme la « sociothérapie » et la « psychothérapie institutionnelle » qu’il adapta à la culture des patients musulmans algériens. C’est à la (re)découverte de sa pensée qu’invite le spectacle Sous la peau, imaginé par le musicien, compositeur et directeur d’Athénor, Camel Zekri.