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Expos # Saint-Nazaire

Roy Köhnke ou l’IA personnifiée

Le Grand Café au Radôme, une première. Une première aussi pour l’artiste franco-australien de 33 ans dont l’œuvre présentée a été créée spécifiquement pour ce lieu. Un lieu, une œuvre, une œuvre, un lieu, un tout en résonance avec l’intelligence artificielle.

Pour cette installation, Roy Köhnke dit avoir été « influencé » par les Yokaï, ces monstres mythologiques japonais et les tableaux burlesques et intrigants de James Ensor.

La Belle sucette, un titre d’expo qui (r)envoie… 

À une forme poético-érotique, à l’attrayant, à l’excitant, à cette gourmandise enfantine qu’on a envie de goûter, d’explorer… Mais qui – si ça va trop loin, et qu’on n’a plus aucune maîtrise sur les événements –, peut vite devenir effrayante et partir en sucette ! 

Trop loin ? D’où ce sous-titre : Ou comment diviser la Terre… 

Oui, il fait référence aux dérives d’une majorité d’humains qui s’approprient, [dans ce cas, l’intelligence artificielle*], pour mieux diviser, régner, contrôler les sociétés. Et le Radôme qui, par sa structure géodésique – terme qui signifie en grec diviser la terre –, entre en totale résonance avec cette œuvre, [et vice-versa, comme si l’œuvre imbibée de cire d’abeille et la sphère alvéolée aux reflets jaunâtres ne faisait qu’une. Troublant].  

Ce Radôme vous a happé, inspiré dans votre création ? 

Oui, cet espace est fou ! Fou, par son histoire… Cet espace clos, véritable bulle de technologie, a été construit en 1982, en pleine Guerre froide sur l’aéroport de Berlin-Templehor. Il abritait alors un radar de l’Otan pour surveiller l’espace aérien, et donc espionner l’ennemi, on y revient ! Fou aussi, par ses états spatio-temporels étranges et son architecture insolite qui convoque imaginaires et utopies. Trois aspects qui ne sont pas sans faire écho à mon travail, à mon univers. Et sur lesquels j’ai rebondi de suite pour créer cette œuvre nouvelle, [inédite]. 

 

Pouvez-vous décrire votre œuvre… 

Il s’agit de deux fresques circulaires. L’une mesure 16 m de long sur 2,40 m de hauteur, l’autre 8 m sur 2,40 m, les deux ont été dessinées à la main avant d’être reproduites à grande échelle. Sur la première, un squelette donne vie à une forme d’intelligence artificielle, une créature animée dont l’histoire simple, drôle et sarcastique se déroule sur une ligne temporelle, comme un plan séquence. Elle s’y construit, s’y développe, vivra différents états émotionnels jusqu’à s’autodétruire. Sur la seconde, plus organique, plus chaotique, plus inquiétante, deux squelettes se renvoient un baiser et déploient un patron de globes dans lesquels un rire est découpé ! Et accrochés aux parois, cinq réflecteurs, comme des percées, des déformations visuelles et temporelles, des sortes de trous noirs.  

Et une voix…  

Cette œuvre se déploie dans l’espace avec la présence d’éléments sonores. J’ai écrit un texte que j’ai fait lire à une IA ! Un texte, une lettre de rupture, un monologue qui rompt avec l’humanité. Une humanité que je questionne à travers la personnification de l’IA. Qui n’est pas une personne, mais des.  

L’IA est émotion ?  

Une IA n’est pas censée ressentir les émotions [mais elle peut les imiter, les simuler !] Dans l’expo, il est question de fierté, d’histoires de jalousie, de moments de grandes réflexions sur cette vie mouvementée qu’elle vient de traverser. Elle prend conscience de sa subordination, elle règle ses comptes avec nous, elle nous juge, s’émancipe, prend ses libertés. 

Devrions-nous nous en méfier ?  

Ce peut être un outil aussi bien libérateur qu’oppresseur. Tout dépend de ce que l’on fait avec ! Je suis ni le porte-parole de l’IA ni un technophobe, je me pose juste des questions sur la façon dont elle est utilisée, j’essaie de comprendre, d’ouvrir les yeux sur une curiosité, sur un sujet qui nous dépasse tous !  

*[…] NDLR (Note de la rédaction).