La Little Italy de Penhoët unique dans le Grand Ouest !
Une plongée dans l’histoire de l’émigration italienne à Saint-Nazaire, richement illustrée et documentée par Bruno Rossetti. Une histoire à l’italienne, al dente comme on les aime, qui, un siècle plus tard, se confond, résonne toujours avec celle de la construction navale.
Bruno Rossetti, devant la maquette du Pré-Gras, quartier qui a été presqu’intégralement rasé par les bombardements de 1942/1943. Elle a été réalisée en 1995 par William Barbaro avant de tomber dans les oubliettes et d’être retrouvée par Bruno dans les sous-sols d’un ancien bunker, sous le siège de l’Union Méan Penhoët (coll. Cyrille Pawloski).
Toujours aussi ému des années après cette découverte, l’auteur pointe du doigt l’hôtel des célibataires construit en 1916 où ses « grands-parents vivaient, là-haut dans les mansardes, dans deux chambres dont le mur de séparation avait été abattu pour agrandir le logement ».
Pourquoi ce livre ?
Petit-fils d’immigrés italiens, je me sentais porteur de cette histoire. Ce projet, je l’avais dans la tête depuis l’âge de 15 ans, quand mon père est décédé. Je savais qu’un jour, je me devais de l’écrire. C’est en 2018, à l’approche du centenaire de leur arrivée à Saint-Nazaire, en 1924, que l’aventure a commencé. Seize mois de travail, des milliers de kilomètres au compteur, plus de 70 interviews, des tonnes d’archives collectées, et des centaines de photos pour illustrer, raconter en détail l’histoire de ces travailleurs, de ma famille, de ces familles dont la destinée est scellée à celle des Chantiers de Penhoët.
Des Chantiers navals qui, dans les années 20, alors en sous-effectif, ont dû faire appel à la main-d’œuvre italienne…
Après la Bretagne, la Vendée, les Pays de la Loire, ils sont allés la chercher, cette main-d’œuvre, à l’étranger. Du côté de l’Italie. Ils ont eu le nez fin ! Après la Première Guerre mondiale, le pays était au plus mal, crise économique, crise financière, instabilité politique, et l’arrivée de Mussolini au pouvoir. Des familles entières fuyaient le fascisme, espérant une vie meilleure ailleurs. Les Chantiers leur ouvraient cette perspective.
Vos grands-parents ont fait partie de cette poignée d’Italiens qui ont trouvé cette perspective d’un ailleurs meilleur à Saint-Nazaire…
Oui… Sur les 26 millions d’Italiens émigrés, entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle – la plus importante vague d’immigration de l’histoire de l’humanité –, 3,5 millions d’entre eux sont venus en France. Et sur ses 3,5 millions, 138 familles italiennes, les Buffoni, Trappetti, Saccani et autres Barbaro, ont posé leurs valises à Saint-Nazaire, en 1924. Mes grands-parents – Giovanni Rossetti qui travaillait en Italie à la Croix Verte, un organisme de secours aux sinistrés avant de devenir teneur de tas sur les paquebots, et Maria-Chiara, couturière –, en faisaient partie, avec leur bébé de 6 mois, Silvio, mon père. Ils ont tous été regroupés à Penhoët, de manière provisoire à l’hôtel des célibataires, et de manière plus pérenne, dans le quartier ouvrier du Pré-Gras.
La cité du Pré-Gras qu’on surnommait la Little Italy, comme à New York !
Une Little Italy unique dans le Grand Ouest ! (en France, elles se comptaient sur les doigts d’une main). Une appellation justifiée puisque plus de 50 % de ses habitants étaient Italiens. Les conditions de vie étaient rustiques, mais l’ambiance était joyeuse. On jouait à la pétanque, on dansait au son des accordéons et violons, on cultivait, on cuisinait “dei culurgioni” [Ndlr : recette à découvrir dans le livre]. Et bien sûr, on supportait les cyclistes italiens du Tour de France ! Quand on n’allait pas travailler à quelques mètres de là, les manches retroussées, prêts à bâtir les plus grands paquebots du monde, en l’occurrence, Île-de-France et Normandie.
New York / Saint-Nazaire, des Little Italy et des Transatlantiques…
Une sacrée coïncidence ! New York, ville de destination de ces paquebots et Saint-Nazaire, ville de construction de ces mêmes géants des mers ! Deux villes intimement liées par les Transatlantiques et les Italiens !
Un livre hommage rendu à vos grands-parents, votre père, et à tous ces émigrés italiens ?
Oui, et plus encore… Une leçon d’intégration, un message positif, de tolérance, de fraternité. J’en suis l’exemple, fruit de ce mélange culturel, mon père s’étant marié à une Française !