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Portraits # Saint-Nazaire

Le serial writer des faits réels

Entre deux polars, Michel Hervoche explore les tiroirs de la mémoire familiale. Son dernier roman raconte la trajectoire tragique de son père condamné au bagne à 13 ans. Rencontre avec un autueur en série à la plume “assassine”, inspirée d’histoires vraies…

Les livres de Michel Hervoche se lisent d’un seul trait, avec une mise en tension dans ses polars qui détonne à tous les coups.

Dix heures à la pendule, pas une seconde de plus. Le serial writer de la cité portuaire longe le couloir éclairé de néons qui mène à la salle d’interrogatoire ! Il y pénètre, le regard au loin, un brin gêné. Car franchement pas sa tasse de thé de jouer aux questions/réponses avec les… journalistes ! Michel Hervoche s’avoue être « plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral ». Des aveux vite confirmés par la liste de ses “crimes” littéraires commis en un temps record ! Quatorze en 13 ans ! Le dernier, tout frais, à peine sorti des rotatives que déjà le 15e est sur le point de faire les gros titres : « C’est prévu après l’été  », avertit l’auteur avec assurance, allant jusqu’à nous informer sur ses intentions ! : « Je vais réécrire l’histoire d’un crime qui s’est passé à Nantes, en 1928, celle d’une vieille dame assassinée par son voisin de 20 ans. » Pour la petite anecdote, Michel Hervoche, pupille de la Nation, était « en nourrice juste à côté ! C’est mon père nourricier qui m’a parlé de cette affaire, il connaissait bien la victime ». Le sujet emparé, le récidiviste décrit son mode opératoire, sans sourciller : « Avant de noircir les pages, je me rends toujours sur le lieu du crime ; enquêter, fouiller, m’imprégner, ressentir, comme un besoin de rentrer dans la vie des gens. Chaque récit est basé sur un fait réel, ce n’est qu’après que je romance ! » Faits réels donc, faits divers, faits d’histoires familiales…, des événements en général « passés inaperçus, ou pas connus ». 

« Même si certaines informations sortent de mon imagination, je fais en sorte qu’elles se calquent au plus près de la réalité.
Pour ne rien déformer du récit, et rester dans le sujet, dans le vrai. » 

« Victor, c’est mon père » 

À 75 ans, le retraité de l’industrie et fan de polar des années 50/60 explique cette attirance, par ces mots : « Si je suis à la recherche de la vérité, c’est peut-être parce que, gamin, on m’a caché beaucoup de choses. » Son premier ouvrage autobiographique – Les trois pupilles de la Nation, paru en 2011 et toujours édité, avec plus de 12 000 exemplaires vendus à ce jour – s’inscrit indéluctablement dans cette veine. Idem pour le dernier-né,  Victor, 13 ans, condamné au bagne de Mettray (Indre-et-Loire) pour un acte dont on ignore le degré d’implication du jeune garçon, si implication il y eut ! À l’époque, on ne faisait pas dans la demi-mesure. Ce livre, cette histoire, c’est celle de son père. Qu’il a découverte, il y a trois ans, en fouillant dans les vieux papiers, au fond du grenier de la ferme familiale ! Par hasard. Il n’avait jamais eu vent de ce tragique épisode…  

“Éduquer et punir”  

Arraché à ses parents à l’âge de 2 ans, Michel Hervoche n’a revu son père qu’à 18 ans, et pas un mot sur ce passé « sans doute trop honteux pour lui ». L’omerta. Jusqu’à ce que « cette bombe [lui] tombe sur la tête », et qu’il se mette à l’œuvre, et mène l’enquête sur ce qu’il qualifie d’ « injustice ». À travers le prisme du père, il décrit la vie indicible du bagne, « le premier pour mineurs », construit en 1829, avec plus de 400 enfants âgés de 9 à 21 ans, “éduqués” à la dure par les « paternels, des anciens soldats de la Première Guerre mondiale, pour les plupart des mutilés ». Il raconte les disparus, les morts, la maltraitance, les viols, le travail forcé, les baptêmes, les maladies, les révoltes, les évasions, dont celle de Victor. Et parle d’amour, aussi. « Un hommage rendu à ce père que je comprends mieux, une restitution romancée de sa tragique trajectoire », qui se finit ? Suspens, la signature du réel writer !