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Sport # Saint-Nazaire

Des Berniques sur roulettes… radicales

Les Radicales Berniques, l'équipe nazairienne de roller derby, a débarqué sur le track du Grand Ouest il y a trois ans. Sport de glisse inclusif, de contact, le roller derby se veut espace d’émancipation des identités et des corps, y compris politiques.

Les Radicales Berniques (en noir), même pas peur d’être fricassées !
Sport de badass qui tabasse, le roller derby est revendicatif, punk et pratiqué principalement au féminin.

Antisexiste, antiraciste, antivalidiste…, le roller derby s’affiche comme une discipline engagée, militante. « Le recrutement d’une bonne partie des fresh meats* des Radicales Berniques s’est fait lors d’un événement antisexiste au skate parc », raconte d’ailleurs Camille, jammeuse (sprinteuse) de l’équipe. Pratiqué sur quads (patins à roues non alignées), ce sport rugueux se caractérise par un choix d’inclusivité radicale. Il est ouvert aux personnes trans, non-binaires, aux physiques et aux âges différents. Peu importe donc l’âge, le physique ou le niveau. Chaque gabarit y a sa place. Les girondes comme les fluettes, les jeunes comme les vieilles. Pour Clémentine, « le sport collectif peut être un endroit d’humiliation, si tu n’as pas le bon corps, les bonnes capacités… En ce sens, le roller derby est inclusif aussi pour les personnes qui n’ont pas toujours eu l’espace pour pratiquer une activité dans la bienveillance. » 

Des patins et des gadins 

Dans le roller derby, tout le monde est accepté et peut pratiquer, même s’il ne sait pas patiner. Quand les Radicales Berniques se sont lancées, elles étaient toutes débutantes, sans patins ni expérience. « L’important, c’est comment on se sent, de tenir sur ses patins, de ne pas amocher les autres ou soi-même », reprend Camille, également bloqueuse. D’ailleurs les 90 pages de règles servent surtout à apprendre à ne pas (se) blesser. Car le but du jeu est de freiner l’adversaire en utilisant son corps comme bouclier. Sur le track (piste), deux équipes de cinq composées chacune d’une jammeuse – reconnaissable à son casque étoilé – et quatre bloqueuses, s’affrontent. « Si on se castagne sur le track, hors du terrain, on se fait des câlins », assure Christian, le coach à l’origine de la section de roller derby du Sun Ride de Saint-Nazaire. L’esprit du derby, c’est justement se mettre sur la gueule tout en se la fendant… la gueule. « On apprend à donner des coups comme à en recevoir. » Mais ils ne se distribuent « pas n’importe comment, ni n’importe où ». Ce côté sport de « nana et de bourrin convient très bien » à Clémentine. « De toute façon, si tu as peur de prendre des coups, faut pas faire de roller derby ! » Et si on se casse la gueule en se marrant toutes (protège) dents dehors, on apprend également à tomber. Car les chutes représentent 90 % de l’apprentissage dont l’entraînement fait office de cours. 

Inverser les codes 

Avec leurs maquillages guerriers, tatouages, coudières, genouillères, casques…, l’attirail des joueuses permet de se protéger comme de se mettre en scène grâce aussi à l’usage d’un alter ego : le derby name. L’autre dimension symbolique de la discipline. Le blase correspond au désir d’incarner un personnage évocateur suivant sa personnalité. Élobotomise (Élodie), Turbo Goudou (Camille), Marty’ Punch (Marthe)…, « les derby names consistent à retourner les codes. Ce qui pour certains est une insulte, nous, on le revendique comme une identité, une fierté », explique clé de 13 (Clémentine). Au fil des ans, le roller derby a consolidé ses affirmations politiques tout en restant sur un jeu et une organisation en autogestion, basés sur des valeurs d’autonomie. 

À Saint-Nazaire, le 1er coup de sifflet de match a retenti en avril 2023, mais « on n’est pas dans un esprit championnat pour le moment. On est juste en mode loisirs avec des rencontres amicales entre équipes locales (Nantes, Vannes, Lorient…). Le but est d’être ensemble, de jouer, d’avoir du fun. Peu importe les scores », insiste Christian, alias Sky Rider. Clé de 13, elle, remercie en riant Bliss, le film de Drew Barrymore, « qui a popularisé la discipline en France », il y a une quinzaine d’années. Car après Bliss, beaucoup de monde est passé à ce sport de glisse qui n’engage pas que le corps… 

* viande fraîche ou rookies (bleues) 

// du roller catch au roller derby 

Dans les années 30, et dans les grandes lignes, le roller derby était apparenté au catch. Le public était masculin, des paris se prenaient sur des filles pailletées et grimées en poulettes. Il disparaît un temps avant de réapparaître vers les années 2000. Un groupe de féministes d’Austin (Texas), dans la veine du mouvement musical de Riot grrrls, le relance sous la bannière non mixte et autodétermination (on choisit son genre).