Un livre pour effleurer le temps
Taba-Taba, Patrick Deville.
De quelle histoire suis-je fait ? Ce pourrait-être le fil d’Ariane du dernier roman de Patrick Deville, auteur et directeur littéraire de la Meet. Il y a d’abord l’enfance au Lazaret de Mundin, centre psychiatrique que dirige son père. A contempler la Loire et à aspirer les embruns, à se perdre dans la vision de Taba-Taba, un « fou » aussi beau qu’un poète, et cette interminable épreuve d’emprisonnement dans un plâtre redresseur de hanche. Immobilité au milieu de ceux qui bougent : écouter, s’imprégner, lire, imaginer, voyager plus que tous à travers cartes et récits. Et quand vint l’heure de l’âge adulte, une faim insatiable de pays, de livres et de poètes à découvrir.
Et puis il y a la genèse de cette enfance, et la recherche de son histoire familiale qui lui a donné cette présence au monde tout autant que cette capacité à en rester spectateur, le cerveau en fermentation. Le personnage Patrick Deville nous ouvre la portière de sa voiture et nous voilà à suivre près de lui les traces infimes de ses ascendants emportés dans les courants de leurs vies tressées serrées à l’Histoire qui les entraîneront à Soisson, Barbizon, au fond des tranchées, Dôle… Mindun, autant de lieux que des écrivains ont aussi arpentés et dont les mots résonnent encore dans la tête du petit garçon malade dont ils étaient la fenêtre sur le monde.
Un roman-récit foisonnant, un style propre à Patrick Deville, étrangement en équilibre entre correspondances baudelairiennes et regard du Nouveau roman, une aventure au côté d’un personnage aussi pudique que son auteur.