A vif
Le rappeur Kery James livre un texte percutant dans une joute oratoire éclatante et ludique : A qui la faute ?
Depuis une vingtaine d’années, le rappeur et poète humaniste Kery James nourrit le rap français d’une écriture enflammée et ciselée. Un amour des mots et une conscience qui bouleversent, une inventivité toujours en ébullition. Ses talents d’orateur, il les met au service d’une langue où les mots sont affûtés, tels les instruments d’un combat. Du rap véhément au théâtre politique il n’y avait qu’un pas, aujourd’hui franchi grâce à ce texte percutant : A vif. Une pièce écrite en forme d’agora.
Casser les codes
Les projecteurs s’éteignent, deux hommes transpercent l’obscurité… A vif met en scène deux élèves avocats. L’un est banlieusard, l’autre parisien. Finalistes d’un concours d’éloquence et symboles, selon Kery James, de « deux France qui ne se connaissent pas ou s’ignorent », ces deux-là vont s’affronter. S’écharper sur une question posée par un jury imaginaire : « L ‘Etat est-il le seul responsable de la situation actuelle des banlieues ? »
Tout les oppose, jusqu’au physique. L’un, Soulaymaan Traore, pur produit de la méritocratie issue des banlieues, incarné par un Kery James noir et massif, estime que l’Etat n’est pas seul coupable. L’autre, Yann Jareaudière, fils de bonne famille interprété par Yannik Landrein en jeune blanc-bec, soutient le contraire. Et ça fuse, et ça crie. Ça rit aussi. S’ensuivent des plaidoiries se transformant en réquisitoires avec des mots justes et ironiques, tous deux cassant les codes et bousculant les préjugés dans un style éblouissant rempli de panache. Et sans aucune caricature.
A vif, une pièce qui résonne avec la période actuelle et soulève bien des questions dans un dialogue passionné qui convoque les voix de “deux France” opposées et un modèle social français vacillant. Pour nous les faire entendre et tenter d’y voir plus clair. Radical et nécessaire.
///// LES PLUS /////
• Pour aller plus loin : l’association du Théâtre propose un atelier de décryptage de ce spectacle à travers le corps et les sens (échauffement, mises en situation), puis la réflexion.
Samedi 19 janvier, de 10h à 12h.
Gratuit, sur inscription : 02 40 22 91 36.
• A vif, texte de Kery James, éditions Actes Sud-Papiers, 10 €.