D’habitude on supporte l’inévitable – Hedda Gabler
Roland Auzet ose une forme théâtrale contemporaine d’une œuvre classique qui n’a rien perdu de sa modernité.
On se rappelle son adaptation de La voix humaine de Cocteau présentée en janvier dernier au Théâtre. Le public était placé sous une plateforme de verre sur laquelle évoluait la comédienne Irène Jacob. Renversant ! Le metteur en scène continue à innover en s’attaquant à Hedda Gabler, le personnage au destin tragique d’Henrik Ibsen, qu’il entremêle à des textes du jeune dramaturge allemand Falk Richter.
Dans l’étouffante et puritaine société bourgeoise norvégienne de la fin du 19e siècle, Hedda s’ennuie, frustrée par la médiocrité de sa vie de jeune mariée provinciale. Sous l’implacable loupe que Roland Auzet promène sur ses zones d’ombre et ses blessures secrètes, elle semble osciller entre fragilité et cruauté, pulsions vitales et morale conventionnelle, recherche de sens et vengeance impuissante.
Le bruit et la fureur
Ici, Roland Auzet sort du “théâtre domestique” d’Ibsen et fait éclater le huis-clos qui étouffe les rêves d’Hedda en transformant la scène en salle de réception. Dans un tourbillon sonore de chants, de prises de son en direct, du brouhaha des conversations des invités attablés, de chuchotements, le public tente d’entendre la révolte et la quête destructrice d’absolu d’une Hedda portée par la lumineuse Hayet Darwish. Une mise en scène contemporaine à la hauteur d’un classique qui avait révolutionné le théâtre de son temps et dont le personnage central n’a rien perdu de sa sinuosité et de son mystère.