[zoom] Roxane
(France 2019) comédie de Mélanie Auffret avec Guillaume de Tonquédec, Léa Drucker, Lionel Abelanski.
Durée : 1h30.
Raymond est producteur d’œufs bio près de Pontivy. Doux taiseux toujours accompagné de sa fidèle poule Roxane, il savoure l’âpreté de ses journées peuplées de poules et surtout ces temps de pause où il leur lit des passages de Cyrano. Cette passion pour les grands textes est le secret qu’il ne partage qu’avec ses gallinacées dont il sait qu’elles ne se moqueront jamais de lui. Vie sereine, femme aimante, enfants terriblement normaux, solitude partagée avec les arbres et les champs… Mais la coopérative qui ramasse les œufs des petits paysans locaux les laisse tomber sans préavis : il sera plus rentable de s’approvisionner chez un seul gros producteur situé près d’un grand axe routier.
Que fait-on quand une catastrophe vous tombe dessus ? Comment se débat-on ? On essaie de se pendre comme le voisin Poupou ? Surpassant sa pudeur, Raymond va choisir des armes qui lui ressemblent, la poésie et la bienveillance, en mettant en ligne des vidéos où il lit théâtre et poésie à ses poules… Va-t-il créer le “buzz” dans ce nouveau monde connecté dont il ne connaît pas grand-chose ou va-t-il définitivement se ridiculiser ?
Proche de la comédie douce-amère à l’anglaise qui évite avec agilité les écueils de la mièvrerie ou des clichés, ce premier long-métrage de la jeune réalisatrice Mélanie Auffret (27 ans) est un pétillement d’humour et de générosité. Une déclaration d’amour. Un appel au secours.
Le 20 mai dernier, la jeune réalisatrice Mélanie Auffret et le comédien Guillaume de Tonquédec venaient présenter “Roxane” en avant-première au Cinéville de Saint-Nazaire. Rencontre.
Estuaire. Mélanie Auffret, votre premier court-métrage, Sois heureuse ma poule, traitait du passage de l’élevage traditionnel à l’industrialisation, votre premier long-métrage est l’histoire d’un paysan sacrifié sur l’autel de la productivité : d’où vous vient cette préoccupation pour le monde agricole ?
Mélanie Auffret. Mes grands-parents étaient agriculteurs en Bretagne, là même où Roxane a été tourné, cela fait partie de mon identité, j’aime ce milieu. Alors, quand Foucauld Barré, le producteur d’Intouchables, m’a téléphoné après avoir visionné Sois heureuse ma poule, j’ai pensé à cette confidence qu’un éleveur m’avait faite dans sa salle de traite, me disant qu’il aimait les grands textes et qu’il en récitait à ses vaches qui ne le jugeaient jamais. Cela m’a émue, j’ai trouvé ça profondément humain. Vous savez, il s’en passe et s’en vit des choses dans nos campagnes, et il faut le faire savoir, d’où le scénario de Roxane.
Avez-vous montré le film aux agriculteurs de votre région d’origine ?
MA. Oui, bien sûr, ils ont été les premiers spectateurs. Il était impensable de faire autrement, d’autant que Roxane est nourri de souvenirs d’enfance et des vies de mes amis, il est fait d’eux. Ils ont tous été très touchés et des paroles se sont libérées.
Des comédiens pleins d’expérience, des poules à diriger… Pour un premier long-métrage, vous avez choisi la difficulté, non ?
MA. Ça s’est tout de suite bien passé avec tous les acteurs, ils m’ont fait confiance malgré ma jeunesse. Quant aux poules, je connais bien les animaux, même si ça n’a pas été de tout repos.
Guillaume de Tonquédec, comment gère-t-on une partenaire comme une poule ?
GDT. Même si je suis originaire de la Bretagne rurale, cela a été une expérience puissante. Pas que les animaux d’ailleurs, mais cette entrée dans le monde paysan. J’ai rencontré des femmes et des hommes humbles, porteuses de valeurs fortes. J’ai fait un stage agricole de trois semaines, c’est peu, mais j’ai appris sur la réalité sociale de la terre, la notion profonde de transmission, la dureté physique de ces métiers. J’ai aussi été porté par l’énergie de ce petit bout de femme qu’est Mélanie et par la clarté de ses exigences.
MA. Et Guillaume a été un soutien de par sa générosité et puis, il a aussi le cœur en Bretagne. En fait, quand je l’ai rencontré, j’ai de suite été rassurée, il a la bonté du personnage de Raymond.
Propos recueillis par Mireille Peña