Situation d’urgence à Saint-Nazaire
Les personnes sans abri qui squattaient un immeuble Silène en attente de rénovation depuis le mois de septembre ont été délogées par la police jeudi 7 janvier au matin. Etat des lieux alors que le plan Temps froid* a été déclenché par la préfecture ce vendredi 8 janvier.
Les sans domicile fixe constitués en “collectif Geronimo”** ont dû quitter leur refuge ce jeudi 7 janvier sans solution de mise à l’abri. « Nous en avions reçu le 23 décembre dernier. Trois personnes ont été accueillies dans un hôtel et une autre au foyer Blanqui. Six autres, qui avaient des animaux, ont décliné notre proposition d’un gymnase qui accepte les chiens sur Nantes », explique Frank Charreau, directeur d’établissement de l’association Anef-Ferrer, missionnée pour évaluer leurs besoins.
« Ils ont exprimé leur volonté de rester tous ensemble, reprend David Samzun, maire de Saint-Nazaire, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue vendredi 8 janvier au matin. Notre ville a une grande tradition de solidarité et est fortement engagée dans la protection et l’accompagnement des sans-abri***. Mais avec tout le respect que je porte aux militants, ces squatteurs zadistes qui ont été évacués hier sont des militants politiques qui revendiquent l’anarchie comme mode de gestion et ont refusé toute solution de mise à l’abri. Ils doivent assumer leur acte de militantisme. »
Que sont-ils devenus ?
Après avoir laissé derrière eux le squat de la rue Littré, les expulsés, rejoints par cinq autres personnes à la rue qui avaient quitté l’immeuble par crainte de la police, ont installé un campement sur un terrain près du passage à niveau de Herbins. D’où ils se sont fait rapidement déloger par la police. Ils ont finalement passé la nuit dans un lieu public, au Parc paysager. « Nos toiles de tentes ont gelé et il faisait trop froid pour que la bouteille de gaz fonctionne, raconte l’un d’entre eux. Heureusement, nous sommes soutenus par de nombreux bénévoles d’associations et des particuliers qui nous ont apporté des couvertures et des plats chauds. » Ils ont été à nouveau délogés par la police vendredi à 16h et ils auraient, selon nos informations, passé la nuit de vendredi à samedi au chaud grâce à de bonnes volontés solidaires.
Face à face
« Nous ne voulons pas partir sur Nantes car nous avons des choses en cours à Saint-Nazaire. Neuf personnes sur les onze que nous sommes aujourd’hui ont moins de 25 ans, et donc aucune ressource. Certains d’entre nous sont suivis par la mission locale, d’autres ont des problèmes sérieux de santé et sont soignés ici, il aurait fallu tout recommencer. Pourquoi partir à Nantes ? Saint-Nazaire est notre ville, nous ne voulons pas la quitter, sans repères nous allons craquer, explique une toute jeune fille. Ce que nous demandons, c’est le respect du droit au logement, c’est un lieu digne de mise à l’abri, où il ne serait pas obligatoire d’entrer dans un parcours administratif, où la porte serait simplement ouverte à tout humain qui aurait froid ou faim. Un lieu où nous serions acteurs aussi, pas de pauvres objets, en collaboration avec les associations. Nous voulons participer, agir. Nous ne sommes pas contre les règlements, nous en avions dans la maison Geronimo de la rue Littré. Nous sommes prêts à dialoguer avec la mairie, à apporter ce que nous connaissons de nos vies. »
La municipalité vient quant à elle d’obtenir l’aval de l’Etat pour 25 places supplémentaires d’hébergement d’urgence en 2021 pour lesquelles elle réalise une identification de sa réserve foncière. « Nous sommes en pleine réflexion avec les services de l’Etat et les professionnels des associations avec qui le dialogue est essentiel pour identifier les besoins réels, car il ne s’agit pas de construire un nouveau foyer, mais de s’adapter à des parcours de vie, expose David Samzun. Il n’y a pas de solution unique, plutôt une pluralité de réponses adaptées. Mais je ne peux pas imaginer une seule seconde d’entrer dans un processus de création d’un lieu autogéré anarchiste. »
Deux positions inconciliables, donc. Une seule certitude : il y a urgence aujourd’hui. Dans un communiqué daté de ce dimanche 10 janvier à midi, les onze jeunes gens à la rue affirment avoir « à nouveau contacté l’association Anef-Ferrer et le 115. Le 115 ne répond pas, l’Anaf-Ferrer nous a dit qu’ils revenaient vers nous, nous sommes toujours dans l’attente de leurs réponses […] Et au-delà du collectif Geronimo c’est toutes les personnes qui vivent dans la rue, dans un garage, dans leurs voitures qui sont en danger et dont nous sommes solidaires ».
* Suivant le plan Temps froid, les secouristes de la Protection civile ont déclenché des maraudes sur des lieux repérés de la ville vendredi 8 janvier de 19h à 23h. Des soupes, couvertures, kits d’hygiène et nourriture pour animaux ont été distribués en lien avec le foyer Blanqui.
** Lire article du 18 décembre 2020, “Retour à la rue pour les ‘habitants’ de la Maison Geronimo” sur www.estuaire.org
*** Budget annuel consacré à l’hébergement et à la maraude par la Ville de Saint-Nazaire : 225 000 € au foyer d’urgence Blanqui dépendant du 115 et géré par l’Anef-Ferrer (hors entretien du bâtiment), 22 800 € à la Maison-Relais composée de 17 logements réservés à la réadaptation de personnes en situation d’exclusion, 35 000 € à la maraude sociale, 74 000 € à deux appartements d’urgence et à 16 logements temporaires pour l’accueil de familles, de couples ou de femmes seules, 40 000 € de subvention au restaurant social Le Trait d’union et 5 000 € de subvention à la Fraternité (petits déjeuners).