Parler breton, une langue vivante
Avec l’adoption de la loi Molac, la langue bretonne est officiellement reconnue. Quelles conséquences pour l’école Diwan de Saint-Nazaire ?
Jeudi 8 avril, l’Assemblée nationale a adopté la loi sur la promotion et la protection de 70 langues régionales en France métropolitaine et en outre-mer. Dite loi Molac, elle porte le nom du député du Morbihan LREM qui l’a initiée, et est saluée comme une loi historique par tous les partisans et pratiquants de la langue et de l’identité bretonne. « C’est une reconnaissance officielle de la langue bretonne. Sa pratique rentre dans un cadre plus général et institutionnel », se réjouit Stéphane Chatron, président de l’Aep Skol Diwan Sant Nazer, l’association qui gère l’école. En clair, le breton intègre le patrimoine immatériel français. « L’Etat reconnaît officiellement que c’est une richesse. On parle même de statut de trésor national. Grâce à cette reconnaissance, cela va permettre d’affirmer encore plus l’identité bretonne de Saint-Nazaire. Qui savait encore que l’on parlait breton au Petit Maroc il y a moins d’un siècle ? »
Une langue moderne
Cette loi va donc accompagner et accélérer positivement l’image de cette langue pour le grand public. La vision nostalgique d’une identité malmenée et perdue, encore tenace dans l’imaginaire collectif, laisse place à des valeurs plus modernes. « Ce n’est pas un débat d’arriéré ou un repli sur soi. Le bilinguisme est vécu comme un atout, une richesse, tient à affirmer haut et fort Stéphane Chatron. Les profils des parents qui inscrivent leur enfant dans notre école sont très divers, et ne se résument pas aux bretons et aux bretonnants. A l’école, onze langues sont parlées, comme le roumain, le wolof (NDLR : langue parlée au Sénégal et Mauritanie). Les gens sont originaires de partout. Il a été démontré scientifiquement que la pratique de plusieurs langues était bénéfique dès le plus jeune âge. En 2013, un classement des lycées français avait mis sur la plus haute marche du podium le lycée Diwan de Carhaix. Au-dessus des lycées publics qui font de la sélection à l’entrée comme Louis le Grand à Paris. » La citation de Xavier Grall, poète et écrivain, « on ne naît pas breton mais on le devient » n’a donc jamais été autant d’actualité.
Une question de Survie
Au-delà de sa valeur symbolique, cette loi aura des effets très concrets sur l’enseignement du breton : elle permettra la reconnaissance de l’enseignement par immersion en langue régionale à l’école publique et, surtout, elle rendra effectif le versement du forfait scolaire aux écoles associatives Diwan. « Cela va changer beaucoup de choses quant au financement de l’école*. Nous pourrons légalement réclamer aux communes ce versement lorsqu’un enfant de leurs habitants est scolarisé en école Diwan sur une autre commune. Jusqu’ici, elle pouvait s’y opposer en décrétant que l’enfant devait être inscrit dans l’école de sa ville. ».
A Saint-Nazaire, l’école Diwan se reconnaît chanceuse de bénéficier du soutien de la Ville sur un plan matériel, les enfants pouvant entre autre se rendre à la cantine de l’école publique voisine.
Manque de professeurs
Même si ces perspectives financières garantissent une dynamique de plus en plus forte, le manque de professeurs bilingues en freine le développement. « C’est un réel souci. Kelenn, qui est le centre de formation des enseignants Diwan situé à Quimper, n’en forme pas assez. » Chaque année, l’école conventionnée par l’Etat prépare une vingtaine d’étudiants pour 46 établissements Diwan, quand le nombre d’enfants inscrits ne cesse de progresser. « Nous avons actuellement trente enfants, de la très petite section au CM2. Et nous avons de plus en plus de demandes pour la rentrée prochaine. » La mairie de Saint-Nazaire a conscience de cette envolée des effectifs. Xavier Perrin, adjoint en charge de l’Education, reconnaissait qu’il allait falloir « pousser les murs » lors de l’ouverture d’une classe bilingue à l’école maternelle Gambetta lors de la rentrée scolaire dernière.
Cette loi Molac est ainsi une pierre de plus à l’édifice d’une identité bretonne qui s’affirme sur le plan politique et sociétal puisque les actes d’état civil peuvent désormais être rédigés en breton.