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Expos # Saint-Nazaire

Izabela Matoš, brodeuse d’œuvres d’ar(t)’bres

L’artiste plasticienne sonore protéiforme, née à Dubrovnik, exposera jusqu’à fin février au café Sous les palmiers l’un de ses 14 arbres de vie(s) et d’histoire(s) brodés main. 1,50 m sur 1,50 m de pure poésie textile et organique…

« J’ai envie de m’ancrer à Saint-Nazaire, c’est un espace aux multiples possibilités, le terrain y est fertile. »

Elle en rêve, de voir un jour sa forêt brodée exposer à Saint-Nazaire… Quatorze arbres, comme autant de madeleines de Proust que l’artiste monténégrine dresse, avec une poétique émotion, de toute son âme. Et de tous ces êtres croisés ici et là sur son chemin d’exploration qui lui ont fourni “matières” à création, donnant ainsi à son œuvre textile organique toute sa singularité.  

Des bouts de pulls, d’écharpes ou encore de t-shirts éclatants de couleurs, dont quelques-uns sont encore marqués par l’odeur de ces donateurs. Des bouts « d’histoires, de mémoire, de nostalgie » qu’Izabela Matoš assemble sur une grande toile blanche, elle aussi empreinte d’une certaine forme d’atavisme… Puisque créée à partir « des draps de lit et rideaux de mon enfance », confie-t-elle, la pelote de laine fixée à l’aiguille, prête, dans ce rituel féminin, à tisser les liens, « ceux que les hommes se créent entre eux. Entre eux et la nature, aussi ». Des liens qui s’étirent, se resserrent, se tendent, se contrarient, se déchirent… Une forêt de laine et de tissus multicolores pour exorciser les racines du mal. « L’artiste est un canal de guérison, il est né pour guérir. Sans lui, l’humanité va vers une annulation des émotions. L’art provoque, réveille les consciences », dixit celle qui ne se sait engagée qu’à la fin de ses performances… Quand les mots, les sons, les vibrations, les gestes se sont libérés.  

De “Baudelaire” à la guerre 

L’arrière-arrière-petite-fille d’Antun Gustav Matoš que l’on qualifiait de “Poète maudit” et surnommait “Le successeur de Baudelaire” n’a pas à rougir de ses racines… Au contraire, l’artiste protéiforme d’une joyeuseté spleen et fleurie suit ses pas, à sa manière, plus d’un siècle après sa mort, en 1914. 14… le nombre de ses arbres, l’âge aussi d’Izabela quand la guerre a éclaté en Yougoslavie. En 1995, l’enfant d’Herceg Novi – ancien petit village de pêcheurs à l’époque romaine situé sur les rives de la mer Adriatique – part à Belgrade étudier la physique chimie, trois ans ! Puis s’inscrit aux Beaux-Arts, sans le dire à ses parents : « Déjà, ils ne comprenaient pas pourquoi petite je passais mon temps à danser, chanter, dessiner ! Mon père m’autorisait à emprunter son casque pour écouter de la musique, seulement une fois par semaine. Alors les Beaux-Arts ! » 

En 1998, elle descend, dort dans la rue pour manifester son opposition au régime de Milosevic. En 1999, pour fuir les bombardements, les étudiants sont «  déportés  » au Monténégro, trois mois. « A notre retour à Belgrade, c’était la folie, l’anarchie totale. La guerre continuait à côté, avec son lot d’atrocités, et nous, nous continuions à vivre, dans notre bulle artistique. » Izabela venait alors de finir ses études, et comme « tout était possible dans cette ville de trois millions d’habitants », elle multipliait les projets : décoratrice d’intérieure, costumière… Un voyage en Turquie pour enrichir sa soif de création, une galerie de peintures et de bijoux « dans [sa] Méditerranée », deux ans en Argentine, un retour sur ses terres où désormais elle « se sent étrangère » ; son sourire ne pouvant rivaliser aux stigmates toujours prégnants de la guerre.  

Entre Nantes et Saint-Nazaire 

En 2014, direction la France où elle mène de front expositions personnelles, ateliers tout public surtout en direction des jeunes, créations radiophoniques pour Jet FM, performances, siestes sonores entre Nantes et… Saint-Nazaire. Elle y pose ses valises en 2018. Izabela y trouve un vrai soutien : le café Sous les palmiers, la galerie Le collectionneur ludique compulsif et un peu vieillot, l’association LFLF2015… En plus de s’y sentir « heureuse. Avec les cargos, les chantiers navals, c’est comme un petit bout de chez moi. L’horizon maritime m’apaise, m’aide à panser mes blessures », et le pin maritime, son arbre préféré, à réaliser son ar(t)bre de vie. Et, espérons-le, à voir son vœu premier s’exaucer : planter à Saint-Nazaire sa forêt d’âmes brodées et poétisées ! 

///// L’arbre qui cache la forêt ///// 

Du 31 janvier au 28 février, Izabela Matoš expose un de ses 14 arbres de vie(s).
Avec les photos de Marinette Delanné prises lors de la performance donnée avec Ty Yann Février cet été à Saint-Malo-de-Guersac, avec LFLF2015.
Café Sous les palmiers.
Rens. izabelamatos.com, izabela2matos@gmail.com