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Expos # Saint-Nazaire

Cargo, un festival photo-sensible

Après Traversées, la 4e édition du festival du collectif L’Art à l’Ouest explore le thème des migrations du vivant, humain ou animal. Un parcours photographique à ciel et à cœur ouverts qui rend visible les invisibles, contraints au déracinement par des nécessités politiques, alimentaires ou écologiques.

Daesung Lee, On the shore of a vanishing island.

Cargo de nuit. On connaît la chanson. Celle de Bauer. On connaît moins celle de Gainsbourg* qui évoque le culte du cargo pratiqué à la fin du XIXe siècle par les peuples d’Océanie parce qu’ils pensaient que les biens de consommation de la société occidentale, arrivés par les mers ou les airs, étaient envoyés par des dieux. C’est à ces chimères que renvoie le festival Cargo mais aussi à celles des migrants en quête légitime d’un ailleurs meilleur. « Les migrations existent de tout temps, y compris dans le règne animal », note Dominique Gellé, président de L’Art à l’Ouest. Rien de plus naturel donc en somme. Comme le démontre au fort de Villès-Martin l’espagnol Xavi Bou avec ses Ornithographies qui imaginent les traces que laisserait le vol des oiseaux migrateurs dans le ciel. Plus loin, sur le chemin côtier vont s’aligner 15 Vraies fausses planches ornithographiques d’Agnès Robin. Puis, à la pointe de Villès-Martin, place à l’humain. Le Coréen Daesung Lee veut rendre visible l’impact du changement climatique dans le delta du Bengale que ses habitants doivent abandonner pour cause de submersion imminente. 

« Ne m’oublie pas » 

Le festival, engagé, veille également « à une juste rémunération des auteurs », reprend le président. Ils sont 11 artistes, cette année, sur lesquels les yeux experts de Dominique Gellé et de Patricia Morvan de l’agence VU ont flashé. Parmi eux, Nobukho Nqaba dont une œuvre sera installée au jardin de Sautron : un petit container entièrement retapissé de China bags. Ces Unomgcana (sac plastique en langue bantoue) renvoient à l’Afrique du sud, pays de la photographe et plasticienne. Ils expriment la précarité, le déracinement et l’impermanence de la maison. 

Le reste du parcours mènera au parvis de la gare ou dans une dizaine d’abris bus de la ligne Hélyce ainsi qu’à la médiathèque Étienne-Caux. Quant à l’exposition majeure, en partenariat avec le musée national de l’histoire de l’Immigration, elle se tiendra à la galerie des Franciscains avec cet objectif : redonner vie à des visages souvent sans nom. Qu’ils soient rassemblés par le collectionneur Jean-Marie Donat ou captés par Bruno Boudjelal, ces portraits semblent tous murmurer : « Ne m’oublie pas ». L’ensemble veut constituer « un faisceau d’approches historiques, documentaires et artistiques issues de la création contemporaine photographique et audiovisuelle », indique le collectif. 

Focus 

Ce collectif, fou de photos, a aussi mené de front la résidence d’Antoine d’Agata de l’agence Magnum au Cada** de Saint-Brévin et réalisé un ouvrage intégrant ce récit à son corpus sur les migrants. L’autre focus porte sur le travail de la Nantaise Lucie Jean, elle aussi en résidence de création. Elle invitera à une Dérive dans les méandres du fleuve Loire.  

Gratuit, ce tout jeune festival, « qui compte pourtant déjà parmi les grands », n’oublie pas pour autant les petits. « À chaque édition, nous présentons le résultat de projets d’éducation artistique. Une complicité avec la Ville d’autant plus appréciée qu’il est rare d’inclure des enfants dans une programmation. Leurs œuvres seront exposées à la médiathèque. Comme les grands ! » Et rendront assurément un hommage juste et vibrant aux migrants, au monde du vivant. Un devoir bienvenu en ces funestes temps. 

* Cargo culte, album Histoire de Melody Nelson
** Centre d’accueil des demandeurs d’asile