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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] All we imagine as light ⏮️

(Inde 2024) drame de Payal Kapadia avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam.
1h58.

Note de la rédaction :

Pour certains, le second long-métrage de Payal Kapadia était LA palme de Cannes 2024. Tout en délicatesse et en subtilité, magnifique ode à la résilience des femmes et bel hommage à la sororité, ce joli film a cependant décroché un beau prix de consolation : celui du Grand Prix. 

All we imagine as light, tout ce que nous imaginons être la lumière s’avère en fait… plutôt sombre. Moite aussi et poisseux, à l’image de Mumbai, de son trafic fou, de sa foule, et de la mousson qui s’abat sur la mégalopole indienne, toujours aussi fascinante et trépidante. À Mumbai, cette cité qui ne dort jamais, la vie grouille. Dans le quotidien des trois héroïnes, fatiguées par leur labeur, les heures de transport, leur vie monotone, il ne fait pas beau, comme dans la capitale économique de l’Inde. La pluie. La nuit. Ou l’inverse. Difficile de faire le distinguo entre les temps diurnes et nocturnes. Une fois encore la célèbre litanie verlainienne pourrait être convoquée pour illustrer l’état d’âme des trois dames : « Il pleure dans [leur] cœur/Comme il pleut sur la ville. Quelle est cette langueur/Qui pénètre [leur] cœur ? » 

On le sait, on le sent, le poids des traditions, le regard des autres, la peur de l’expulsion… expliquent cette douce tristesse, même si elle est rehaussée par la jeunesse d’Anu, rieuse et spontanée. À travers cette dernière et Prabha, ces deux héroïnes emblématiques, la cinéaste confronte deux générations de femmes, l’une, croit-on, encore sous l’influence des traditions, l’autre, plus contemporaine, connectée, et a priori plus libre. Mais toutes deux avec le même désir d’émancipation. On est bien loin du cœur battant de Bollywood avec ses histoires de princes et de princesses à l’eau de rose, tout en sourires et saris chatoyants. Ici, tout est bleu. Bleu nuit. Bleu des néons. Bleu des costumes des infirmières qu’elles incarnent. 

Reste qu’au mitan du film, Prabha, Anu et Parvati quittent la cité des rêves, rebaptisée “cité des illusions”. La jungle urbaine se mue alors en jungle tropicale, celle des rives de l’océan Indien. Une autre moiteur depuis laquelle les rêves semblent cette fois pouvoir se réaliser. Car ici, le vent, dirait-on, a fini par chasser les nuages. D’ailleurs à la prophétie de Prabha lancée à Anu, « ça ne sert à rien de t’enfuir, tu ne peux pas échapper à ton destin », les lampions colorés d’une buvette de bord de plage envoient un tout autre signal pour le final : celui de la vie et de l’espoir.