[zoom] Émilia Pérez
(France, Mexique 2024) comédie musicale de Jacques Audiard avec Zoe Saldana, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez.
2h10.
Émilia Pérez est une comédie musicale de genre… nouveau. Une histoire improbable ou audacieuse ? Peut-être les deux. Celle de Manitas, un chef de cartel mexicain, décidé à se retirer des affaires pour devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être. Pour y parvenir, il engage Rita Moro Castro, une avocate très talentueuse mais exploitée, qui doit tout orchestrer. Son opération, sa disparition, l’exfiltration de sa famille, etc. La question est : a-t-on envie d’y croire ou pas ? Ah, l’éternelle question de la vraisemblance qui ne se pose pas que dans le théâtre classique… Sans être obligatoirement vraie, l’histoire doit paraître a minima crédible. Mais avouons qu’à partir du moment où on a tranché. À partir du moment où on décide d’adhérer, le film fonctionne. Sûrement aussi grâce à la performance et à l’énergie des actrices, sublimes, qui nous emportent, comme la musique signée Camille et Clément Ducol. Car on a envie de les suivre, ces héroïnes. De pardonner aussi. On se surprend même à aimer cet ex-bourreau et baron de la drogue, quand il prend les traits d’Émilia Pérez. Un sentiment ambivalent dû au talent de la magistrale Karla Sofia Gascón. Parfaite pour incarner la rédemption du parrain mexicain. Preuve en est son prix d’interprétation, partagé avec ses partenaires, Zoe Saldana (Rita), Selena Gomez (Jessi) et Adriana Paz (Epifania) lors du dernier Festival de Cannes. Respectivement avocate, épouse et maîtresse, elles sont toutes justes dans leur partition chantée et parfaitement chorégraphiées lors de beaux ballets, comme celui des femmes de ménage et de l’avocate. La comédie musicale sert d’ailleurs bien l’histoire. Elle plonge le spectateur dans l’intériorité des personnages, comme un sous texte. Les textes ne paraphrasant jamais les dialogues mais les éclairant. Ils offrent parfois aussi de jolis duos chantés/parlés, notamment entre le chirurgien et l’avocate. Quand lui, chuchote et parle plus qu’il ne chante.
Côté genre… cinématographique, Émilia Pérez traverse tour à tour le film noir, le mélo, la télénovelas et le drame musical. Un mélange à la gloire des femmes, habituellement rares chez Audiard, et un hymne à la transidentité. La transidentité, ce sujet si souvent sondé dans son cinéma au travers de pères brutaux et de leur tendresse verrouillée. Également Prix du Jury de Cannes, le film sera le porte-drapeau français aux Oscars l’an prochain. Sceptiques ou séduits, à un moment de battre vos cœurs vont s’arrêter.