À Boris-Vian, “c’est l’âge neuf des danses (et musiques) enlacées” !
Le conservatoire à rayonnement départemental (CRD) Boris-Vian vient de faire sa rentrée. Et quelle rentrée ! Une réhabilitation du bâti existant, une extension hors norme, la danse et la musique qui convolent en justes noces, une semaine inaugurale festive, et un tout nouveau directeur, Sébastien Blaud qui, avec Michel Ray, adjoint à la culture, s’est prêté au jeu de l’interview croisée…

Sébastien Blaud et Michel Ray au cœur du tant attendu auditorium de… 400 m2.
Quasi trois ans de travaux, une inauguration en grande pompe, et une belle occasion de découvrir un bâtiment qui a regagné ses lettres de noblesse. Une opération rentrée « au chausse-pied » pour préserver la dimension patrimoniale de cet élément important de l’histoire qui recèle de jolis petits trésors…
Michel Ray : « Ce bâtiment a été construit dans les années 30. C’était alors une clinique qui a été transformée en école de musique en 1983. Par chance, il fait partie de ces rares bâtiments qui ont survécu aux bombardements. On a profité de cette réhabilitation complète et de cette extension de 3 500 m2 pour lui redonner sa façade extérieure, et son lustre intérieur. Aussi, peut-on découvrir un magnifique carrelage d’époque et une splendide porte (NDLR* : provenant d’un immeuble de l’avenue de Gaulle) datant de la Reconstruction qui a échappé à un sinistre sort : la déchetterie ! Une porte signée Jean Royère, l’un des plus grands designers français des années 50 à 70, d’envergure internationale. D’une valeur potentielle de 80 000 €, cet édifice métallique (séparé en deux) habille désormais le bar situé dans le hall d’entrée, et baptisé, non par hasard, Chez les Frères Jacques. Un clin d’œil à ce quatuor vocal français (actif de 1946 à 1982, reconnaissable à leur tenue de scène particulière — justaucorps, gants et chapeaux haut-de-forme – qui a contribué à leur notoriété). Et pourquoi eux ? Tout simplement, parce que deux d’entre eux étaient Nazairiens, André et Georges Bellec ! (Et cerise sur le gâteau), Boris Vian (tiens, tiens !), a écrit plein de chansons pour eux. (La boucle est bouclée !)
De jolies découvertes, et de grandes nouveautés. La première, outre l’agrandissement, l’union des deux disciplines, musique et danse…
Sébastien Blaud : Effectivement, c’est la première fois qu’elles sont réunies sur un même site. Et les intérêts sont légion… Croiser les enseignements, monter des projets en commun. C’est déjà le cas avec les Cham’ades (classes à horaires aménagés du collège Jean-Moulin), mais c’est toute une mécanique à mettre en route. Alors que là, il suffit juste de se déplacer d’un couloir et c’est parti ! Et le fait aussi que les élèves répètent ensemble, ça va forcément susciter des envies. Entre eux, et auprès de l’entourage… Cette alliance entre ces deux arts est à exploiter intensément. D’ailleurs, pour cette nouvelle saison culturelle, on propose pas mal de spectacles dans ce sens : Des pieds (pour danser) et des mains (pour jouer) (27 nov.), une soirée danse et percussions (16 mai), et L’arbre à danser (7 juin), des récits de vie récoltés auprès des habitants des quartiers Ouest de la ville…
// en chiffres
• 5 800 m2 dont 3 500 m2 d’extension
• 4 niveaux
• 88 pièces, dont 42 salles de cours
• 1 auditorium : 400 m2, 280 places, scène de 140 m2
• 3 salles de danse de 170, 150 et 130 m2
• 20,5 M€ TTC (coût des travaux)
• 1 200 élèves (800 en musique, 200 en danse, et 200 en éveil)
• 50aine de disciplines enseignées
• 65 enseignants dont 5 en danse
Les quartiers, l’un des enjeux prioritaires du CRD ?
M.R. : C’est un vrai sujet. La pratique n’est pas forcément démocratisée, on y travaille. Beaucoup d’habitants ne se sentent pas autorisés à fréquenter une école de danse, de musique ou d’arts plastiques. Alors qu’ils en auraient envie. Un gros effort est fait pour pouvoir réduire cette distance sociale, et le CRD se veut exemplaire en la matière. On commence à en sentir les prémices. Les lignes bougent. De plus en plus de jeunes des quartiers comme la Bouletterie, la Trébale, la Chesnaie viennent s’y inscrire.
S.B. : C’est un travail de fond entamé depuis quelques années déjà. Un travail qu’on va continuer… En allant toujours vers, en menant nos actions hors les murs, en proposant des auditions dans les Maisons de quartier, des concerts dans différents endroits de la ville, là où l’on va rarement pour écouter de la musique, en bas des immeubles, là où les gens vivent. Et en se joignant à différentes manifestations, pas forcément culturelles.
« Pas forcément culturelles », qu’entendez-vous par-là ?
S.B. : Saint-Nazaire est une ville multiple, et ça m’intéresse de travailler sur cette multiplicité. De ne pas rester enfermé dans le monde culturel… Aller travailler avec le monde du sport, le monde économique et du tourisme. À Saint-Brévin (il a été 7 ans directeur de l’école de musique intercommunale de musique Sud Estuaire), j’ai monté de (drôles) d’ateliers… Des séances de chant dans des piscines, du ping-pong acoustique, de la percussion avec des ballons de basket. On me prenait pour un fou ! (sourire). On ne va peut-être pas faire ces choses-là à Saint-Nazaire, à voir en même temps… Mais sûr, on va faire se croiser les regards…
… Et s’ouvrir sur les cultures urbaines ?
S.B. : Ça fait partie des choses que j’ai dans la tête. Il y a une réelle demande de la part des jeunes. Mais ça ne s’improvise pas, il va falloir travailler avec les équipes, progressivement… Ce sont des mouvements qui prennent racine dans la rue. L’écriture hip-hop, le rap ne s’enseignent pas comme on enseigne le clavecin. Ce n’est pas la même chose, pas la même approche, pas la même compétence. Faut savoir utiliser tout ça, être réactif face à des ados pour qui ça ne pose pas de problèmes ! Après, le conservatoire est super ouvert à ces formes. On a un département Musiques actuelles, on crée des partenariats avec le Vip, on a des cours assistés par ordinateur qui marchent. Pour preuve, le film de présentation de saison réalisé par l’un de nos élèves. De haute qualité. Un bel objet qu’on pourrait facilement acheter dans le commerce !
S’ouvrir et créer du lien avec d’autres structures…
S.B. : Comme le Vip donc et comme Athénor. En 2025, on va se lancer dans la création d’un orchestre symphonique, du nom d’Estuaire, qui réunira une soixantaine d’élèves-musiciens de Saint-Nazaire, Saint-Brévin et de Cap Atlantique.
Directeur à 43 ans, mais aussi musicien depuis l’âge de 15 ans. Guitariste, tromboniste…, vous avez joué dans des groupes de musiques actuelles, des big band de jazz, des orchestres d’harmonie. Vous avez dirigé des orchestres et êtes arrangeur. Avez-vous l’occasion de porter cette casquette auprès de vos élèves ?
S.B. : Oui, c’est important pour moi, j’aime ça, même si ça ne représente que 5% de mon temps de travail. Certes, ce n’est pas indispensable, mais ça permet de montrer qu’on sait ce que c’est que de faire de la musique, de la transmettre. Pour l’inauguration, je dirige un groupe de profs (15 oct., 20h30). Sinon, tous les jeudis soir, je dirige l’orchestre à vent des 2e cycles. C’est rigolo, ils m’appellent M. le Directeur ! Je leur ai demandé de ne pas m’appeler comme ça, en fait ! (sourire).
Et alors, cette autre grande belle nouveauté ?
M.R. : Elle réside dans la création de l’auditorium Jean-Jacques Lumeau, en hommage à l’ancien adjoint à la culture décédé le 23 décembre 2021 qui avait porté ce projet à bras-le-corps. Une soirée jazz lui sera dédiée lors de cette semaine inaugurale (18 oct.) Semi-enterré, l’auditorium dispose de 280 places assises (dont 7 réservées aux personnes à mobilité réduite) avec une scène de 140 m2. Un très bel outil pédagogique très attendu qui va permettre aux élèves de travailler ce rapport à la scène et au public. Et qui pourra s’ouvrir à des propositions extérieures au conservatoire ».
* NDLR (Note de la rédaction pour toutes les phrases entre parenthèses)
// innauguration : le programme
Samedi 12 octobre
• Ateliers participatifs, d’improvisation, cours de danse, essais d’instruments, ateliers d’improvisation, chorale…, de 9h30 à 16h.
• Visites guidées avec improvisations chorégraphiques et musicales, 10h et 11h.
• Concert de cordes, par les anciens élèves, 18h30 et 20h30.
Dimanche 13 octobre
• L’arbre à danser, impromptu musical en acoustique par la Cie Système B, de 14h30 à 15h30, sur le parvis.
• Little big noz, bal participatif avec le collectif À l’envers, 15h30.
• Musique ancienne, concert avec les élèves du conservatoire et l’ensemble Barok en stock, 17h.
Lundi 14 octobre
Danse
• Créations du chorégraphe Hervé Maigret de la Cie NGC25 avec les Cham/Chad du collège Jean-Moulin. Et Kokedera, solo par Alma Petit, enseignante de danse contemporaine. La rencontre des mousses végétales, une des âmes du monde nippon, et des valeurs du bushido, code de valeurs des samouraïs au Japon. Dès 18h30.
• Sehnsucht, avec la Cie la Petite Pièce… Un groupe d’individus traverse, chacun à sa manière, l’idée du souvenir, vécu ou non, entre nostalgie, regret et mélancolie, 20h30.
Mardi 15 octobre
Carte blanche, concert en grande formation avec les enseignants-artistes, 20h30.
Mercredi 16 octobre
Ma mère l’Oye de Maurice Ravel, histoires musicales contées, piano 4 mains. Par les enseignants-artistes, 15h30, jeune public.
Jeudi 17 octobre
Musique contemporaine
• Conservatorio/renovatorio : musiques, vidéos, textes ou photos se croiseront à travers cette création, expression de la mémoire du conservatoire, 18h30.
• Antheus… Inspiré par le patrimoine culturel de l’estuaire de la Loire et les histoires glanées auprès des habitants de la Brière, Roland Brival a écrit le récit du naufrage d’un vaisseau faisant route vers la Martinique. Avec Athénor, 20h30.
Vendredi 18 octobre
Jazz, hommage à Jean-Jacques Lumeau
• 1re partie avec Guillaume Perret et le Super Boris Orchestra (20 musiciens de 10 à 13 ans) pour un set autour de ses compositions. Le big band le rejoindra ensuite sur scène pour un mix spécial de ses différents répertoires, entre jazz 70’s épique, rythm & blues explosif, 19h.
• Concert avec le pianiste Harold López-Nussa. Un répertoire électrique et iconoclaste qui repousse les limites du latin jazz sans jamais manquer de respect à la tradition cubaine. Avec Jazzimut, 21h.