[zoom] Anora
(États-Unis 2024) comédie dramatique de Sean Baker avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yuriy Borisov.
2h19.
« À ma trique et à mon fric ! » Cette réplique donne le ton de l’explosif Anora. Elle résume même assez bien l’esprit du film. En préambule, au moins vingt minutes de sexe ad libidum et ad nauseam où les travailleuses du sexe enchaînent les clients à la queue leu leu sans plaisir. Elles s’ennuient. À l’instar du spectateur. Dans Red Rocket déjà, l’Américain Sean Baker avait manifesté cette appétence pour le sexe avec son portrait cynique d’un ex-roi du porno qui tente de faire son come-back. Pourquoi remettre le couvert ? On finit par se questionner sur sa représentation de la sexualité. À se demander aussi si nous ne sommes pas en plein male gaze, voire teen gaze à voir le regard priapique que porte le réalisateur sur certaines scènes. Celui d’un ado qui aurait un peu trop traîné sur Youporn.
On s’interroge donc sur cette Palme d’or. Pourquoi Greta Gerwig et son jury l’ont choisie ? Patience. Après une plongée permanente en plein cœur de baisodromes où fric, drogue et alcool coulent à flot. Après de la baise à chaussette à tir larigot, l’ennui encore (!) d’un rejeton de milliardaires russes accro aux jeux vidéo de guerre (de préférence) qui ne sait quoi faire ni de son temps ni de son argent. Après le luxe et la luxure, le film prend un tour plutôt surprenant. Celui de la comédie lorsque les parents du morveux découvrent que leur fiston a épousé une strip-teaseuse. Alors le rêve de la jeune escort girl de convoler en justes noces à Disney World pour s’endormir dans la chambre de Cendrillon part en éclats avec l’arrivée des sbires de ces puissants et insupportables oligarques. Mission : faire dérailler leur union pas sacrée. Anora se transforme alors en un drôle de tourbillon où ces pieds nickelés, un peu sensibles et douillets, se prennent une petite correction par la gamine. S’en suit un jeu d’“Attrape-moi si tu peux” dans une succession de déboires délirants et paroxystiques évoquant le grotesque noir des frères Coen. Les personnages finissent épuisés par cette folle énergie. Les spectateurs aussi. Contrairement à la célèbre sentence, ce n’est pas parce que c’est long que c’est bon. Car malgré la fougue, la large palette de registres émotionnels de Mikey Madison (Anora), la durée (2h19) est excessive. Reste que la scène finale, avec une jolie trouvaille cinématographique, offre un renversement latent. Ce conte de fées loin d’être rose, en fait, surprend autant que l’attribution de la Palme.