Les us et costumes de Béatrice Bailet
La rencontre, l’échange, les temps de création partagée nourrissent la pratique artistique de la plasticienne Béatrice Bailet. Conceptrice de pièces vivantes, son travail s’inspire de l’inconscient collectif transmis par le patrimoine immatériel, comme celui des fêtes et des rituels.
Ce mercredi matin, Béatrice Bailet débarque à Bain Public avec tout un barda. Une toile de tente, des sacs, des tissus, des ciseaux… Mission : préparer l’atelier de fabrication d’un costume d’animal aquatique gigantesque aux milliers d’écailles brillantes et colorées pour de futurs carnavals, comme celui de L’Ours nocturne de l’autre. Un collectif carnavalesque dont cette experte en parade portée au-dessus des têtes fait partie. Cette proposition d’atelier de pratique artistique, gratuite, s’inscrit dans le cadre de l’Inventaire des fêtes. Son projet au long cours créé en 2019. « L’Inventaire des fêtes est un titre pour donner un nom à ma pratique et à ma recherche artistique, plutôt plastique, autour des fêtes et rituels saisonniers. » Sa démarche s’apparente à celle des chercheurs ou ethnologues. Sauf qu’elle porte sur les pratiques spectaculaires des pays, comme un Claude Lévi-Strauss des carnavals. France, Italie, Belgique, Argentine, Arizona, Uruguay…, cette native de Nice a parcouru le monde pour alimenter une composition syncrétiste de fêtes folkloriques inscrite dans des esthétiques empruntées au DIY*.
Se cacher pour se révéler
« Si je ne m’étais pas appelée Béatrice Bailet, je me serais appelée les habits d’Arlequin », déclare la plasticienne dont le goût pour les mosaïques, couleurs vives, formes géométriques et grands formats s’est développé aux Beaux-Arts d’Angoulême. Et de souligner que « Béatrice entre en résonance avec habit… » C’est à la sortie des Beaux-Arts en 2008 que l’artiste se met à se costumer et à créer des tenues pour ses performances. « Très vite, j’ai eu envie de me cacher pour mieux me révéler. Dans mon costume, je fais ce que je veux. Personne ne me voit. » Comme au carnaval. Cet endroit où on peut aussi se costumer. Pas étonnant que le carnaval de Dunkerque ait été son terrain de jeu lors d’une résidence d’art contemporain. Par ses costumes, l’artiste « questionne les archétypes de séduction humaine et animale » qu’elle associe à la création de costumes carnavalesques et grotesques. Côté tradition, elle « aime l’idée qu’elle ne soit pas figée. On a le droit d’amener de la créativité dans la tradition parce que nous sommes des humains. Si on veut que la tradition perdure, il faut qu’elle soit réappropriée et vivante. D’où le temps long de création collective. Un moyen d’apprendre à se connaître, de faire émerger des idées, avec un aspect intergénérationnel très présent », qui se concrétise encore lors des après-midis Lichouzerie. Ces rendez-vous culturels mensuels gratuits, plutôt pour seniors, qu’elle coanime depuis septembre avec l’écrivain Joël Kérouanton au Garage.
Le carnaval sur le pont ?
Dans ses interventions, celle qui a la passion du dessin depuis qu’elle est enfant, accorde une grande place aux mains. « Petite, j’aimais être seule et mettre mes mains en mouvement. » Concrètement, son travail peut aussi prendre la forme de contes, d’installations, de performances (oiseau jardinier, poisson ballon)…, dans lequel « le spectateur rencontre un autre soi et de nouveaux autrui avec qui faire corps ».
Après avoir partagé un atelier à Saint-Nazaire avec l’association Projet Neuf, elle participe aujourd’hui au projet culturel de territoire qui vise à renforcer l’éducation artistique et culturelle. À l’invitation du Grand Café, elle intervient dans les écoles de l’agglomération (Montoir-de-Bretagne, Donges, Saint-Malo-de-Guersac). Elle rêve d’un carnaval sur le pont de Saint-Nazaire. Des manifestations sportives s’y déroulent, alors pourquoi pas des événements culturels et festifs ? À bon entendeur !