[zoom] Grand tour
(Portugal 2024) comédie dramatique de Miguel Gomes avec Gonçalo Waddington, Crista Alfaiate, Teresa Madruga.
2h08.
![](https://www.estuaire.org/wp-content/uploads/2024/12/ZOOM-Grand-tour.jpg)
« On partira d’ici sans avoir rien compris à l’Orient », déclare un consul opiacé croisé dans Grand Tour. Et le spectateur au film…, tellement Grand Tour est dés-orientant. Où le réalisateur veut-il aller ? En Asie, on a compris. Mandalay, Rangoon, Saigon, Osaka…, c’en est d’ailleurs un grand tour que propose Miguel Gomes. Et un tour si grand que le réalisateur portugais finit par nous égarer, y compris dans les couloirs du temps. Dans ce film fantasque, la notion temporelle se perd comme les repères. Un pari volontaire et pour le coup réussi…
Pour raconter ce road-trip – celui d’un homme, tel un Ulysse inversé, qui cherche à échapper à sa promise – la narration du conte censé se passer en 1918 est parfois plaquée sur des images actuelles. Certains en perdront donc assurément leur mandarin. Entre tradition et modernité, les ballets de motos sur fond de valse viennoise se mêlent à des images folkloriques de théâtre d’ombres ou de danses orientales semant une anachronique confusion chaotique. Images d’hier et d’aujourd’hui. Asie d’hier et d’aujourd’hui. Tout se bouscule dans un traitement pour le moins audacieux qui a valu au réalisateur de Tabou, un prix de la mise en scène à Cannes 2024.
Le voyage se fait dans le temps comme à travers les langues : portugais, français, mandarin… Dans cette odyssée polyglotte, coincée entre un monde post-
colonial et moderne, les images d’Épinal de cette région sont légion. À travers une Asie peuplée de fumeurs d’opium, de pandas dans la brume, de bambous, de jungle, de marchés d’animaux de rue…, on croise un ténor napolitain, un éleveur de bétail américain richissime aux allures de Buffalo Bill et Lady dragon. Une experte en botanique exotique dont le déluge de jurons est systématiquement censuré par un biiiip. Drôle. Comme cette fuite d’Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique famélique. Il fuit Molly, sa fiancée qu’il n’a pas vue depuis sept ans. Malheureusement pour lui, elle est obstinée. Elle le suit, à la trace, le poursuit pour lui mettre le grappin dessus. Elle cherche à le débusquer qu’il le veuille ou non parce que, dit-elle, elle refuse de croire qu’il est lâche. Et elle n’écoute personne quand tous – surtout les hommes – lui enjoignent de ne pas se marier. « Personne ne devrait se marier », lui glisse d’ailleurs son cousin. Quand pour d’autres ne choisir qu’un amour serait un acte égoïste…
À la croisée des genres, Grand Tour tend finalement vers le mélodrame, en rendant hommage à l’âge d’or du cinéma expressionniste, par le prisme de jolis jeux d’ombre et de lumière dans lequel se superposent des images de documentaires, en noir et blanc et en couleur. Déroutant.