[zoom] La chambre d’à côté
(Espagne 2025) comédie dramatique de Pedro Almodóvar avec Tilda Swinton, Julianne Moore, John Turturro.
1h47.

La chambre d’à côté… de la plaque ? De cette extension sentencieuse, d’aucuns la prendront tel un affront, d’autres verront en elle l’aubaine salvatrice de pouvoir opiner du chef sans que la foudre ne leur tombe sur la tête, tant il est inimaginable d’imaginer l’inimaginable, à savoir blasphémer l’œuvre d’Almodóvar. Pas une seconde, l’idée ne viendrait nous traverser l’esprit. Et pourtant, le maître flamboyant du mélo à l’espagnol – qui a porté avec passion, mieux que quiconque, les femmes à l’écran – fait, à l’aune de ses 75 ans, quelques infidélités à ses muses (Victoria Abril, Rossy de Palma, Penélope Cruz…) et fatalement à son style, habituellement reconnaissable entre mille.
Avec ce premier long-métrage à l’accent américain fort prononcé (conseil d’amie, mieux vaut privilégier la version originale que française !), et ce casting qui met en première ligne l’Américaine Julianne Moore et l’Anglaise Tilda Swinton – juste magistrales –, nous sommes bien loin de la caliente sociéto-dramatique d’un Talons Aiguilles (1991) ou d’un Parle avec elle (2002), pour ne citer que ces chefs-d’œuvre.
Avec La chambre d’à côté, le cinéaste livre ici une œuvre troublante, intrigante, voire un brin déstabilisante par sa dimension sonore – une espèce d’imposture musicale qui met en alerte, en se jouant de résonances hitchcockiennes, magnifiquement glaçante par sa dimension picturale où tout est tiré au cordeau. Rien ne dépasse. Comme l’impression d’évoluer dans un magazine de déco contemporain où tout est à sa place, géométrique, sans rondeur, architectural, pour mieux éluder l’adjectif barbare de chirurgical !
Et quand bien même la photographie générale qui en dégage est d’une beauté suprême, les cadrages saisissants de profondeur, la lumière qui emplit l’espace, façon Hopper, anachronique… Quand bien même le rouge, le vert, le jaune, l’orange éclatent pop art au grand jour, telle une invitation au voyage dans un tableau de Picasso ou de Warhol – ou les deux à la fois –, ça ne fait pas tout. On retiendra également le jeu des actrices, rien à redire, implacable, impeccable, à l’image de cette ode à la beauté graphique… Et à la mort, l’épicentre du propos. Et autour d’elle, la maladie, et surtout la question du droit à mourir dans la dignité, et de la culpabilité de celles et ceux qui l’accompagnent dans cette épreuve.
Un sujet délicat, sensible, très peu abordé au cinéma, et qu’Almodóvar traite à sa manière. Qu’on apprécie ou pas ! Quand quelques-uns la trouveront, sa manière, mirifique, d’autres la jugeront poussive, si ce n’est soporifique, et agaçante à certains égards. Un récit existentiel, enveloppé d’un coton réflexif de poésie philosophique par moments mal amené, et qui laisse de marbre, à l’instar de ces grandes homélies sur l’écologie et le monde capitaliste. Pour autant, La chambre d’à côté a reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise. Donc, à vous d’en juger !