Dans les petits papiers d’Ar Men Du
Une nouvelle galerie s’ancre en ville, rue de la République à Saint-Nazaire. À sa barre, Laurence Le Hire, sculptrice et photographe au long cours qui ouvrira ses portes au public ce week-end.

Laurence Le Hire dans l’atelier de sa nouvelle galerie, au milieu des cartons pleins de matières et de livres, prêts à être déballés…
La « connexion », elle ne l’a faite que très récemment ! De ses photographies qu’elle tire sur du papier d’art à ce vieux livre familial que son fils, un jour, lui tend, il s’en est passé du temps…, avant que tout ne fasse sens ! Laurence Le Hire est née « par hasard » à Cannes, il y a 70 ans, a fait des études d’art, et sa carrière dans la production de films publicitaires à Paris. Elle a créé sa boîte, beaucoup voyagé, et rencontré du beau monde, le réalisateur Wim Wenders, la photographe Sarah Moon, et bien d’autres ; Étienne Chatiliez, Alain Chabat, Patrice Lecomte…, la liste est longue ! Passionnant, mais « besoin de plus. Moi aussi, j’ai des choses à dire, à créer ». À 35 ans, elle se met le week-end à sculpter « en noir et blanc », d’où le nom de sa galerie Ar Men Du, la pierre noire en breton, ses origines…
Des traces « immondes ! »
Contrainte de réduire drastiquement la voilure, Laurence doit se réinventer. À 60 ans, elle se lance dans la photographie, et capte « l’immonde !, sourit-elle. Ces petites choses que tout le monde trouve laides, mais moi belles ». Chaque trace est donc bonne à prendre. Qu’elle soit sur de vieux murs abîmés par les intempéries, sur le sol d’un parking « pourri », dans une carrière d’ardoise, aux Forges de Trignac quand c’était encore “possible”, sur le port de La Turballe, l’un de ses terrains de jeux de prédilection avec la base sous-marine. « Un grand choc visuel et émotionnel » quand elle a découvert ce lieu à son arrivée à Saint-Nazaire, en 2018. Que de matières à extraire, à sublimer, en noir et blanc, toujours, ou en monochrome ; des formes épurées, des droites minimalistes, des courbes imaginaires, des instantanées oniriques…, douces poésies de l’abstraction imprimées sur du papier d’art, papier de soie, papier d’Asie, tissu fin fait de coton… où « chacun est invité à y voir, y lire ce qu’il veut y voir, y lire ».
« Quand vous voyez une porte rouillée, moi, j’y vois un combat naval ! »,
dixit Laurence Le Hire qui rêve la nuit… « en noir et blanc », évidemment.
D’Alzheimer aux de Sagazan
Des petits/moyens/grands formats photographiques, des tirages uniques « pas très nets ! » Une série aussi, intitulée Les chemins de la mémoire, 36 images placées dans de petits cadres, et des verbatims que le visiteur, une fois le mot pioché, attribuera à l’une d’entre elles. L’objectif ? En faire un livre dont les recettes seront reversées à la recherche pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. « C’est une façon, comme une autre, d’apporter un peu de poésie à ce sujet si angoissant », confie Laurence, des idées plein la tête pour cette nouvelle galerie qui accueillera son atelier, ses œuvres, et parfois des expositions collectives. Et ce n’est pas tout, l’artiste protéiforme adorerait y organiser, une fois par an, un concours avec l’école des beaux-arts, et y recevoir les de Sagazan, le père pour une performance et la fille dans un projet de création de pochette d’album avec les élèves des beaux-arts.
La fabrique à papier
En parallèle, Laurence souhaite développer des ateliers dans les écoles et les maisons de quartier de Saint-Nazaire. Une première expérience à Kerlédé avait abouti à une exposition dans le cadre de la Biennale du noir et blanc. Car là est bien son désir, faire partager son savoir, son art, et sa passion pour le papier d’art. Plus qu’une passion, une fascination. Et un vrai mystère. Des années sous ses yeux, sans la voir, sans comprendre le pourquoi de cette appétence, et soudain ce livre, consacré à l’histoire de la papeterie de son arrière-grand-père maternel, à Belle-Isle-en-Terre, en Bretagne – qui refait surface, et lui tombe dessus, telle une évidence. « Ne cherche plus, maman. T’as ta réponse ! »