[zoom] Deux Pianos
(France 2025) drame d'Arnaud Desplechin avec François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling.
1h55.
C’est l’histoire, l’histoire d’une histoire d’amour… impossible, de celle qui dévaste, qui rend saoul, de celle qui joue la partition de deux âmes désaccordées, qui rend dingue. Dès les premières notes, ça se sent, se devine… Deux récits parallèles, et ce lien sûr, qui va se faire…, plus tard, dans ce hall d’un immeuble bourgeois de Lyon. Une ouverture de porte d’ascenseur, et là, le choc, le coup, ce coup… de foudre qui n’a jamais aussi bien porté son nom ! L’un s’écroule net, l’autre prend la poudre d’escampette… Là encore, on devine.
On devine un passé amoureux, galvanisé par ces maux qui fatalement le composent : culpabilité, résignation, souffrance, déchirure, manque, tentative de résilience pour l’une, fuite en ré majeur pour l’autre… Un concerto de tourments passionnels, délicatement joué par une Nadia Tereszkiewicz souveraine dans son rôle d’amoureuse empêchée et de jeune veuve troublée, mais aimée à en mourir ; une tragi-symphonie shakespearienne tortueusement incarnée par un François Civil solennel dans son costume de pianiste virtuose taillé sur mesure, perdu entre amour et carrière, tiraillé par ce choix cornélien…, à en devenir presque fou ? D’où ces par moments surréalistes, où l’on ne sait plus très bien où l’on se trouve, dans le réel, l’imaginaire ?
Deux pianos, c’est aussi la relation singulière entre l’élève et la maître, sublimée par la magistrale Charlotte Rampling, émouvante dans la peau de ce « monstre » qui doit, consciente de voir sa mémoire s’envoler, faire ses adieux à la scène. Des derniers concerts qu’elle ne voit pas passer sans son « petit monstre » qu’elle a réussi à sortir de sa tanière, après huit ans passés au Japon. Un duo qui donne la mesure.
Deux pianos, c’est une œuvre à la Desplechin, élégante, torturée, intime, pleine de sensibilité, parsemée de quelques fausses notes ; elle s’étire en longueur. Une lenteur qui nous fait perdre parfois le fil de cet opus cinématographique, et nous empêche d’y pénétrer avec passion, cette passion folle, celle qui embarque, qui fait frissonner, qui déplace les montagnes…, mais qui prend là ses distances.
Deux pianos, c’est aussi un bel instant pour les yeux et les oreilles, où la lumière transcende la musique, et vice-versa. Où la photographie se pose avec délicatesse sur des visages qui en disent long, sur des mains vieillissantes, des cœurs blessés, des âmes en quête… Ah l’amour !