[zoom] Nouvelle Vague
(France 2025) comédie de Richard Linklater avec Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin.
1h46.
À bout de souffle reconstitue une plongée en plein cœur de la Nouvelle vague. Un regard éclairant – pourtant en noir et blanc – sur ce mouvement qui a révolutionné le cinéma français. L’occasion d’évoquer la jeunesse de réalisateurs devenus cultes, Truffaut ou Chabrol, comme la genèse de ce cinéma révolutionnaire qu’ils ont incarné ou d’être immergé en plein cœur d’un Paris en pleine effervescence culturelle et intellectuelle.
À la fin des années 50, Jean-Luc Godard n’a encore rien tourné. François Truffaut et Claude Chabrol, ses amis critiques des Cahiers du cinéma, sont déjà passés derrière la caméra. Truffaut, d’ailleurs, triomphe à Cannes avec Les 400 coups. L’homme aux lunettes noires reste ce critique de cinéma au verbe acéré et au côté malicieux, persuadé de son génie. Pour lui, pas question de surfer sur la vague des autres, ce qu’il veut créer, lui, est un raz de marée.
En vingt jours de tournage, et parfois deux heures de travail effectif seulement, Godard va donner un nouveau souffle au cinéma avec… À bout de souffle, dont Richard Linklater reconstitue ici le tournage. Ce que le réalisateur américain montre relativement bien, c’est l’invention d’un cinéma sans plan. Une anarchie intellectuelle et morale. Pas de décor, pas de technique, pas de scénario. De Beauregard, le producteur emblématique de la Nouvelle vague s’arrache le peu de cheveux qu’il lui reste. L’actrice Jean Seberg ne sait pas si elle doit être effrayée ou excitée. Belmondo, lui, avec cet enthousiasme qui le caractérise, fait confiance et fonce. Et Godard dans tout ça. Il s’amuse, sûr d’être dans le vrai avec cette obsession : filmer le réel. Pour ce cinéaste si cinéphile et absolutiste, ce n’est pas en suivant les règles qu’on va où on veut aller ! De règle, il n’y en a donc pas. Tournage sauvage, sans maquillage, sans lumière, l’ensemble de l’équipe aussi en perd ses repères. Godard improvise, écrit le matin même du tournage, dirige ses acteurs comme on joue aux dés. Il ne fait jamais plus de deux prises, parle pendant les scènes, stoppe le tournage parce qu’il n’a plus d’idées pour la journée. Quand arrive le montage, il coupe à l’intérieur des plans, brise la continuité, impose un rythme inédit. Il veut que l’œil du spectateur se cogne aux ruptures. Né du désordre, de la désinvolture, À bout de souffle a inventé un style cinématographique. Qu’on aime son cinéma ou pas, Godard est convaincu comme Gauguin que « l’art est soit du plagiat, soit la révolution ». Le réalisateur iconique, lui, a choisi son camp.