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Cinéma # La Toile de Mer # Salle Jacques-Tati

[zoom] Un simple accident

(Iran 2025) drame de Jafar Panahi avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi.
1h42.

Note de la rédaction :

Oui – le dernier film magistralement réussi du réalisateur Nadav Lapid, férocement satirique sur la société israélienne de l’après 7-Octobre, d’une force de frappe qui met KO dès le premier round, d’une puissance rare qui nous explose en pleine figure… Oui – cette bombe (cinématographique) jetée sans concession sur ce monde dégoulinant d’indécence, de sadisme propagandiste, pris dans l’engrenage d’une violence sans fin…, qui ronge de l’intérieur…, qui désintègre de l’extérieur, mériterait lui aussi, à tous points de vue, une Palme, et d’or, s’il vous plaît. Oui, sans aucun doute. Au même titre qu’Un simple accident de Jafar Panahi, qui n’a en rien à rougir de cette récompense. Un simple objet en soi, me direz-vous…, qui dans ce cas devient porteur d’un vrai message. Un symbole fort porté à l’endroit des libertés fondamentales, que l’on sait bafouées, un peu partout ailleurs, ici, là, en Iran, là où Panahi a posé sa caméra et tourné clandestinement, avec tout ce courage qui incarne une génération de cinéastes iraniens (et pas que) qui osent, à leurs risques et périls, défier la censure. À l’instar de Alireza Khatami (Chroniques de Téhéran, 2023), de Mohammad Rasoulof (Les graines du figuier sauvage, prix spécial du jury, 2024), de Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha (Mon gâteau préféré, 2025), pour ne citer qu’eux. Un simple accident, une nécessité impérieuse, une œuvre essentielle qui fait acte de résistance avec toute l’élégance, la poésie et l’humanisme inhérents à ce cinéma que l’on chérit. Et qui témoigne, avec un cynisme désopilant, de la cruauté sans nom du régime établi. Bâillonnés, emprisonnés, torturés, exécutés…, parfois pour un voile mal ajusté.  Le sort de nombreux Iraniens, Iraniennes, encore à ce jour, à cette heure où cette page se noircit de leur sang, de leur cri. Du sang, des cris qui n’ont de cesse de hanter Vahid, ce garagiste jeté dans les geôles inhumaines que l’on suppose d’Evin pour “collusion et propagande“ contre le guide suprême de la République islamique. Lui, il en est ressorti “vivant” – à demi –, un « mort-vivant » comme il se dit qui a subi les pires atrocités d’un tortionnaire qui l’a « tué 100 fois », et qu’il croit reconnaître…, au grincement de sa prothèse. De là, plus rien ne l’arrête, œil pour œil, dent pour dent. Vahid est prêt au pire…  Et va dans le désert, assouvir sa soif de vengeance (ou de justice ?), au volant de son van où s’entassent Shiva la photographe, Golrokh la mariée (et son presque époux, Ali) et Hamid, l’homme en colère, tous victimes de ce satanique Eghbal, alias la guibole, cloué entre quatre planches au fond du coffre, et tous bien décidés à l’enterrer vivant. Jusqu’à ce que le doute s’invite. Et que cette lancinante question, le nerf du film, vienne se confronter à leurs/nos certitudes : comment réagir face à son tortionnaire ? Se venger ou pardonner ? Se mettre dans sa peau ou garder son humanité ? Alors que ferions-nous ? Jafar Panahi explore là des réflexions profondes, graves, réelles…, où le flou s’installe sournoisement entre victime et bourreau. Où la gravité du sujet, du propos trouve sa superbe par la grâce des émotions, et cette pincée de légèreté qui se cristallise par le jeu des acteurs, cocasse ; par les répliques, drôlement acerbes ; par les mises en situation, tendrement absurdes. Un simple accident, forcément qu’on dit oui, et Oui aussi!