[zoom] La femme la plus riche du monde
(France 2025) comédie dramatique de Thierry Klifa avec Isabelle Huppert, Marina Foïs, Laurent Lafitte.
2h03.
Au mot richesse, l’héritière milliardaire Marianne Farrère (Isabelle Huppert) dit préférer celui de fortune. Ainsi démarre La femme la plus riche du monde : des mots d’esprit, des dialogues bien sentis, souvent cinglants et percutants portés par un casting de luxe. Un casting qui brille sans pour autant faire d’étincelles. Tout au moins dans les premières scènes où l’incarnation du duo Huppert-
Laffite apparaît… sans conviction. Un peu comme si le spectateur assistait à une représentation théâtrale dans laquelle les acteurs surjouent et donc sonne faux. Le temps que le cadre et l’intrigue ne se posent. Car au fil du film les personnages comme l’histoire, librement inspirée de l’affaire Bettencourt, prennent heureusement un peu d’ampleur. Le cas principalement de Laurent Lafitte qui campe cet écrivain photographe à la fois fantasque et exubérant : François-Marie Banier devenu Pierre-Alain Fantin dans cette comédie mordante. Escroc, imposteur, voleur, trivial et provocateur, ce Raspoutine est comme la grippe, il contamine tout le monde. Le petit personnel de maison bourgeoise se met à demander son dû, à essayer lui aussi d’extorquer la vieille. Après tout, pourquoi n’aurait-il pas droit à sa part du gâteau ?
Mais l’air finit vraiment par devenir irrespirable avec ce pique-assiette graveleux et grossier à souhait aux yeux de la famille Farrère, toute corsetée. Sauf pour Marianne qui, elle, « s’amuse, s’aveugle, s’égare mais revit ». Pauvre petite femme riche qui s’ennuie, seule et sans ami. Pierre-Alain la révèle, lui fait sniffer des opiacés en boîte de nuit, métamorphosant ce personnage de pouvoir en quasi punk. Il déverrouille tout ce qui est fermé en elle. Parce qu’on « va mieux quand on ose ! », selon le flamboyant filou. De leur côté, Marina Foïs (Frédérique, la fille), Mathieu Demy (le gendre) et Raphaël Personnaz (le majordome) jouent juste. En retenue, comme l’exige leur rang et leur monde, où on étale ni ses richesses ni ses états d’âme. Frédérique a appris l’humilité, la simplicité, l’effacement, à ne pas parler d’argent. La vraie richesse dans le milieu des ultras riches. Alors quand débarque Pierre-Alain, on comprend bien le malaise. La bienveillance de sa famille qui la voit dilapider sa fortune, qui se soucie d’elle, Marianne n’en a cure. Après tout, c’est son argent. Son entourage pense que Fantin lui prend son argent. La milliardaire, elle, considère qu’elle lui donne. Les points de vue s’entendent comme la vision de mondes opposés. L’un fondé sur la discrétion, la retenue. L’autre sur la soif de l’absolu, la démesure. Qui a raison ? Marianne est-elle sous emprise ? Le film de Thierry Klifa ne tranche pas.