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Portraits # Saint-Nazaire

Anuradha Roy : entre fiction et réalité

Rencontre avec une romancière indienne inspirée et inspirante, en résidence à la Meet (Maison des écrivains étrangers et traducteurs) jusqu’à fin mai…

Hier, avant-hier, peu importe. Un matin, sur une plage de Saint-Nazaire, l’enfant des montagnes de l’ouest de l’Himalaya a « essayé de [s]’entretenir avec un chien ! » Le ton est donné. La rencontre sera à son image, étonnante, captivante, poétiquement engagée.  

En résidence à la Meet depuis avril, l’écrivaine Anuradha Roy observe en digne héritière de son père géologue, s’imprègne telle sa mère artiste peintre et respire à pleins poumons cet air nouveau : « C’est un grand contraste pour moi. Je n’ai jamais vécu près de l’océan. » 

Certains de ses ouvrages sont étudiés dans les universités en Inde et lycées aux Philippines. Des petits films ont même été réalisés. 

 

C’est à Ranhiket, une petite ville située à 2000 mètres d’altitude qu’elle vit avec ses quatre chiens, écrit et dirige avec son mari la maison d’édition Permanent black qu’ils ont fondée il y a plus de 20 ans.  

Depuis un mois, c’est vue sur mer, autre ambiance. Et Anuradha Roy s’y fait très bien. Elle aime se lever tôt, s’inspirer des marées changeantes et de « cette multitude de morceaux de vie qui se succèdent » devant ses yeux, sans savoir encore ce qu’elle en fera. Et lesquels resurgiront dans l’un de ses prochains romans… Peut-être cette femme de 60 ans croisée en roller sur le front de mer ou encore ces musiciennes, tambour en bandoulière. Des scènes anodines pour nous, « tellement inenvisageables chez moi. On ne voit pas ça en Inde. Pas de temps pour les loisirs. Les femmes sont au travail, assignées à des rôles : elles doivent être dignes, idéalisées, mères… »  

Et écrivaine ? : « En Inde, c’est facile pour personne. Mais forcément, c’est toujours plus compliqué pour les femmes », précise la romancière attirée, non par hasard, on s’en doute, « par des personnages contraints par la vie extérieure, écrasés par le contexte politique. Des personnages parfois réels », à l’instar de Walter Spies (Toutes ces vies jamais vécues, 2018), artiste allemand qui a rejoint les Indes néerlandaises face à la montée du fascisme dans les années 20.  

Avec “Sous les lunes de Jupiter”, Anuradha Roy a remporté le prix du
prestigieux DSC Prize for Fiction 2016. 

 

Mais que les choses soient claires. Celle qui a travaillé dans la presse indienne au sortir de Cambridge « n’écrit pas de discours politiques ni de manifestes. Juste des histoires. Des vies fictionnelles ». Une réalité fictive tout en poésie et délicatesse qui, dans un inconscient trop conscient sûrement, « pointe avec force certaines problématiques » de son pays. La colonisation, les religions, la sexualité, la condition des femmes, l’écologie… Ou encore les liens par-delà les castes, le thème de son 5e roman, Earthspinner, paru en Inde en 2021. Elle y parle d’art et d’amour entre un potier et une étudiante pris dans les tourments de la grande histoire de l’Inde et de l’Angleterre. Il sortira en France en 2023, toujours chez Actes Sud. La traduction est en cours. D’ailleurs, Anuradha Roy attend son amie et traductrice Myriam Bellehigue, dans son appartement au sommet… du Building. « Ici, je ressens la présence de tous ces écrivains qui sont passés là avant moi. Ils y ont laissé des traces, des matelas de yoga, des idées d’intrigues… Une vraie source d’inspiration. Moi, je nourris les oiseaux sur mon balcon. Et je laisserai du sel, du vinaigre de l’huile, c’est essentiel à la vie », conclut ainsi Anuradha Roy qui avoue n’avoir jamais voulu être écrivaine ! 

///// autour de Anuradha Roy ///// 

Projection du film Charulata, drame de Satyajit Ray avec la rencontre de l’écrivaine, au cinéma Jacques-Tati, jeudi 12 mai à 20h30.
Tarifs : de 4 € à 6,50 €. Renseignements : 02 40 53 69 63. 

Rencontre à la médiathèque Etienne-Caux, jeudi 19 mai à 18h suivie d’une vente-dédicace à la librairie l’Embarcadère.
Gratuit. Réservation : 02 44 73 45 60.